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Débat – Engagement différencié : la solution pour recruter massivement ?

Une circulaire mise en ligne le 2 septembre 2019 présente les modalités de mise en œuvre de l’engagement différencié des sapeurs-pompiers volontaires, dans le cadre du plan d’action pour le volontariat chez les sapeurs-pompiers. Ce plan d’action vise à susciter et dynamiser le recrutement de sapeurs-pompiers volontaires (SPV), fidéliser les effectifs existant en facilitant leur engagement et en fixant les bonnes pratiques en matière de volontariat. Cette organisation permet aux SPV d’exercer non pas la totalité des missions, mais uniquement une partie de l’activité. Pour la majorité des SDIS, l’engagement différencié vise à écarter les missions incendie. Faudra-t-il prochainement effacer l’expression « soldats du feu » ? Contrairement aux idées reçues, les incendies et départs de feux ne représentent qu’une minorité des activités des sapeurs-pompiers. En réalité, 80 % de leurs missions relèvent du secours et des soins d’urgence aux personnes. De nombreux SDIS, comme ceux de l’Aude (11), de Vendée (85) ou du Haut-Rhin (68) ont déjà mis en place l’engagement différencié pour pallier les problèmes de recrutement.

Lisa Begouin

Un engagement citoyen

Lieutenant-colonel Christophe Marchal, vice-président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France

Je préfère parler d’engagement personnalisé plutôt que différencié. Il s’agit d’un fonctionnement « à la carte », selon les disponibilités et choix des personnes recrutées. Jusqu’à la circulaire fixant les règles de l’engagement différencié, un SPV effectuait les mêmes missions qu’un SPP. Aujourd’hui, le nombre d’interventions ne cesse de croître : à un rythme d’environ 4 à 5 % par an, soit plus de cinq millions d’interventions. Nous avons besoin de recruter plus massivement. Or, l’image que la population se fait du sapeur-pompier, souvent jeune et athlétique, est un frein au recrutement. Nous cherchons des citoyens prêts à donner de leur temps. L’engagement différencié constitue une première réponse permettant de lever un certain nombre de réticences. De plus, l’engagement personnalisé encourage la mixité. En effet, seulement 20 % de nos sapeurs-pompiers volontaires sont des femmes. L’engagement différencié s’adresse à toute personne entre 16 et 55 ans prête à donner de son temps pour se former et intervenir. C’est un engagement citoyen. Une partie des candidats qui sont recrutés grâce à l’engagement différencié ont franchi le pas et élargi leurs missions aux départs de feux. S’engager comme SPV par le biais de l’engagement différencié peut être un premier pas pour évoluer et élargir ses fonctions à toutes les missions de la profession. Autre avantage : former plus de citoyens aux missions d’aide à la personne, aux gestes de premiers secours avec une formation de quelques semaines. L’un des inconvénients est qu’il ne faut pas délaisser les missions incendie qui représentent toujours une part non négligeable du métier. Pour les chefs de centre, c’est aussi plus compliqué de gérer le planning d’astreinte entre les pompiers « toutes missions » et ceux qui bénéficient de l’engagement différencié. Traditionnellement, un sapeur-pompier est un soldat du feu. Aujourd’hui c’est avant tout un soldat des secours et de l’environnement. Dans les départements où l’engagement différencié a été mis en place, nous avons des retours très satisfaisants.

Désacraliser la profession

Justine Fuhrer, responsable communication du SDIS 68

L’engagement différencié est une mesure mise en place par le SDIS 68 depuis le 13 avril 2023. Nous avons lancé la campagne de recrutement en novembre 2023. La préfecture du Haut-Rhin a également communiqué à ce sujet. Le recrutement se fait en interne, par le bouche à oreille. Le premier constat qui nous a conduit à mettre en place l’engagement différencié est l’augmentation du nombre de missions SUAP en comparaison aux missions incendie ces dernières années. Le deuxième constat était le manque de SPV dans le département, de jour comme de nuit. Nous nous sommes demandés comment faire pour pallier cette difficulté. En France, chaque SDIS connaît une diminution de ses effectifs estimée à environ 10 % par an. Il fallait trouver une solution. Nous n’avons rien inventé, l’engagement différencié était déjà mis en place dans une vingtaine de départements en France. Dans l’imaginaire collectif, le pompier est un super-héros qui doit combattre le feu au péril de sa vie. L’engagement différencié, qui permet d’exclure les missions incendie par exemple, ouvre les portes des SDIS à de nouvelles personnes. L’engagement différencié permet de désacraliser la profession en recrutant plus. Attention, les activités d’aide à la personne sont des missions tout aussi importantes et prenantes psychologiquement. Depuis novembre 2023, nous avons organisé deux sessions de recrutement. A l’issue de la première session nous avons recruté 10 sapeurs-pompiers volontaires et à l’issue de la deuxième ils étaient 14 à rejoindre le SDIS 68. Nous sommes encore dans une phase d’adaptation. Cela demande de l’organisation au sein des centres de secours, notamment en termes de ressources humaines. Ce n’est d’ailleurs pas parce qu’on rentre au sein du SDIS par le biais de l’engagement différencié qu’aucune évolution n’est possible, au contraire. Les SPV peuvent suivre des formations complémentaires. Notre autre objectif était de féminiser l’équipe. Au sein du SDIS 68, environ 20 % des sapeurs-pompiers sont des femmes. Cet engagement permet également à des personnes plus âgées de devenir sapeurs-pompier.

Le débat n°81 portera sur « Beauvau de la sécurité civile : opportunité ou faux semblant ? »

N’hésitez pas à voter et donner votre avis juste ici.

Nicolas Lefebvre

Journaliste dans la presse économique depuis 2002, il publie également un livre d’investigation aux éditions de l’Archipel en 2010. Secouriste bénévole, sauveteur aquatique et moniteur de premiers secours entre 2004 et 2018, il consacre sa maîtrise d’Histoire contemporaine à l’institutionnalisation du secourisme au sortir de la seconde guerre mondiale.En 2011, il fonde Oxygène Editions afin de publier Secours Mag, puis en 2017, SST Mag. Il assure aujourd’hui la rédaction en chef de ces deux titres de presse professionnelle.

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