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Entretien – Pierre Mauger : “Les JO, ce rêve de gosse !”

Responsable des services médicaux pour le Comité d’organisation des jeux olympiques et paralympiques (Cojop), organisés du 26 juillet au 11 août puis du 28 août au 8 septembre à Paris, Pierre Mauger revient pour Secours Mag sur le dispositif de santé et de secours mis en place pour les athlètes et les spectateurs lors de cet événement majeur.

Propos recueillis par Coline Léger

Quelles sont vos missions ?

A ma prise de poste en 2020, nous avons envisagé une stratégie pour appliquer le cahier des charges du CIO (Comité international olympique), un modèle anglo-saxon qu’il a fallu adapter au système sanitaire français. Le village olympique, à Saint-Denis, doit fournir tous les services nécessaires aux 8 000 athlètes olympiques et aux 4 000 athlètes paralympiques. D’où la construction d’une polyclinique : un centre de santé multidisciplinaire destiné à accueillir 700 patients par jour. Les plus grosses urgences de France en reçoivent 300 ! Créée en à peine deux ans, cette offre de soins a nécessité une modification législative (la loi olympique de mai 2023). La polyclinique s’appuie en outre sur une convention de coopération avec l’APHP. Le défi des JO repose sur son envergure : 39 sites de compétition, 16 millions de visiteurs et 206 délégations sportives.

Comment couvrir les besoins matériels et humains pour un tel dimensionnement ?

Nous sommes contraints à des économies d’échelle et faisons appel à des sociétés d’événementiel habituées à médicaliser les stades. Mais pas pour de tels volumes ! Cela demande d’innover. Après les avoir sollicitées, il nous manque 160 scopes multiparamétriques. A nous de trouver les structures qui peuvent nous les prêter, ou nous les louer. Mais il faut des médecins urgentistes pour les utiliser. En principe, leur nombre est fixé en fonction de la jauge du public. Avec le ministère, nous avons exploré des pistes pour panacher les médecins urgentistes avec des généralistes, des infirmiers protocolisés, ou des internes… Objectif : assurer la sécurité des soins tout en limitant notre impact sur la ressource des hôpitaux publics. Si la polyclinique est portée par l’APHP, tous les soignants viennent du programme de volontaires Paris 2024. Cela représente 3 000 professionnels de santé (sur 40 000 volontaires) : médecins urgentistes, médecins du sport, kinésithérapeutes, radiologues, etc.

Comment vont être pris en charge les athlètes à la polyclinique ?

Son système d’accueil ressemblera à celui d’un service d’urgence classique, avec un médecin orientant le patient. Soit le patient vient sans rendez-vous parce qu’il est malade ou blessé et sera orienté vers un service de soins non-programmés (urgentistes, généralistes, spécialistes), soit il vient sur rendez-vous, pour de l’imagerie, ou pour des soins de confort et de rééducation. Par ailleurs, une offre de soins dédiée aux athlètes paralympiques sera proposée le temps de la compétition. Un programme dentaire et ophtalmo de prévention a également été mis en place : certains athlètes ne voient ces spécialistes que tous les quatre ans. Les sportifs qui ne pourront pas être accueillis par la polyclinique seront orientés vers l’hôpital Bichat à Paris. Les représentants des médias mondiaux seront quant à eux pris en charge à l’hôpital Avicenne de Bobigny, et les délégations du CIO à l’hôpital européen Georges-Pompidou de Paris.

Quel dispositif pour les spectateurs ?

Suite à un appel d’offres, les dispositifs prévisionnels de secours (DPS) ont été répartis entre six associations agréées de sécurité civile : la Fédération nationale de la protection civile, la Croix-Rouge, l’Union nationale des associations de secouristes et sauveteurs (Unass), la Fédération française de sauvetage et de secourisme (FFSS), la Croix-Blanche et l’Ordre de Malte. En pic d’activité, cela représentera 1 500 secouristes par jour. Chaque stade bénéficiera d’un binôme médecin-secouriste, chargé de coordonner aussi bien le volet secouriste que médical. La tête secouriste sera responsable de tous les secouristes du site. La tête médicale sera composée d’un manager médical issu d’une société événementielle. Leur binôme coordonnera la prise en charge des spectateurs et, en appui, celle des athlètes et du terrain en cas de médecine d’urgence et d’évacuation.

Suite à un appel d’offres, les DPS ont été répartis entre six AASC (…) En pic d’activité, cela représentera 1 500 secouristes par jour.

Comment les risques Covid et attentats sont-ils anticipés ?

Le risque attentat est porté par l’État : s’il se passe quoi que ce soit sur un des sites, nous ferons appel immédiatement à ses services. S’agissant des risques sanitaires, une cartographie a été élaborée en collaboration avec la Direction générale de la santé et l’État. Nous avons des plans de contingence pour les maladies infectieuses, notamment le Covid, mais aussi les maladies tropicales, les infections alimentaires collectives, etc…

Et votre équipe ?

C’est une équipe pluridisciplinaire d’une trentaine de membres, dont une partie bénévole : des secouristes, des professionnels de santé, des membres d’associations anglaises de sécurité civile… Sa composition est très médico-secouriste ! Toute l’équipe partage l’envie de bien faire, dans un esprit festif et sportif. Pour nous tous, les JO c’est un rêve de gosse ! On sent monter l’excitation à l’approche de l’arrivée de la flamme le 8 mai prochain à Marseille.

Que reste-t-il à mettre en place ?

Nous finalisons la mise en œuvre de nos procédures. Au-delà, il reste à déployer la cellule de coordination des services médicaux, baptisée le « Medoc » (Medical operations center), chargée de l’information avec nos partenaires étatiques et privés du CIO et de l’IPC (comité international paralympique). C’est au Medoc que je vais passer l’intégralité des jeux.

Dr Pierre Mauger

Doté d’une double casquette de médecin urgentiste et de médecin du sport, Pierre Mauger, 50 ans, chapeaute les services médicaux de Paris 2024. Successivement médecin urgentiste aux Samu des Yvelines, de l’Eure, et de Seine-et-Marne, il a assuré pour ce dernier la direction du Smur et des situations sanitaires exceptionnelles (médecine de catastrophe). Comme médecin du sport, il a travaillé pour le Stade de France et pour le club de handball féminin Paris 92 les Lionnes d’Issy. Surtout, il a assuré la coordination médicale de l’Euro 2016. Il a été nommé responsable des services médicaux pour le Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques en 2020.


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