Prospective – Les nouvelles technologies à la rescousse ?
Ce n’est pas une découverte : la France accuse un retard important en terme de prévention et de formation de sa population. Pour y remédier, les professionnels appellent de leur vœux un engagement politique majeur au profit de la prévention des arrêts cardiaques extra-hospitaliers (ACEH). Les nouvelles technologies pourraient également constituer, demain, un levier majeur de progrès.
Lisa Begouin
Les professionnels de la santé en appellent aux autorités politiques et pointent du doigt un désintérêt engendrant un manque de moyens à leur disposition. Le Dr Bruno Thomas-Lamotte, président d’ARLoD établit un parallèle entre la mortalité routière et celle des ACEH. En 2022, la mortalité routière en France était estimée à 3 267 tandis que, cinquante ans plus tôt, en 1972, ce chiffre s’élevait à 16 445… Cette réduction massive s’explique par la multiplication des campagnes de prévention mais aussi par des mesures prises au niveau des collectivités et des régions. « Les collectivités territoriales et les pouvoirs publics doivent prendre leurs responsabilités », affirme Paul Dardel, président du Bon Samaritain et fondateur de l’application Staying Alive, soulignant qu’il n’existe pas de campagne de prévention pour les DAE et pointant du doigt l’insuffisance des financements publics. Pour diminuer la mortalité due aux arrêts cardiaques hospitaliers et non hospitaliers, les intervenants préconisent une sensibilisation dès le plus jeune âge.
LA FORMATION : AXE PRIORITAIRE
“En 2011, le public a utilisé seulement 3 % des DAE mis à disposition », rapporte le Pr Eloi Marijon.
En 2018, le président de la République affichait pourtant la volonté de former 80 % de la population aux gestes de premiers secours. Or, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) évalue le nombre de formés ou initiés à seulement 810 000 personnes en 2022, soit 1,19 % de la population… Si 40 % de la population française est formée aux gestes de premiers secours, la plupart n’ont suivi cette formation qu’une seule fois. « Il faut se poser la question de la formation continue de nos citoyens et changer les mentalités tout en envisageant une formation tout au long de la vie », conclut le Dr Pascal Cassan, médecin conseiller national de la Croix-Rouge française.
Les professionnels du secours soutiennent enfin qu’il est nécessaire de démystifier la RCP. « En réalité, il existe peu de complications. Dans le doute, il est toujours préférable de faire masser un patient que de ne pas le faire », estime Guillaume Debaty, professeur de médecine d’urgence au SAMU de Grenoble.
IA : LE NOUVEL ELDORADO ?
Les assistants de régulation médicale (ARM) sont en première ligne lors des arrêts cardiaques. Selon le Pr Guillaume Debaty, les ARM réussissent à identifier huit arrêts cardiaques sur dix. Une moyenne très honorable. La difficulté résiderait dans le délai encore trop long de reconnaissance de l’ACEH. « Les ARM posent encore trop de questions et perdent un temps précieux. » Guillaume Debaty préconise d’appliquer la méthode « NO NO GO » (lire pages 26-27).
Pour gagner en efficacité, l’utilisation de la vidéo et de l’intelligence artificielle (IA) est au cœur des débats. « Nous n’avons pas encore beaucoup de données quant à l’utilisation de la vidéo par rapport à la téléphonie. Certaines études montrent que la vidéo permet d’améliorer la profondeur et la qualité de la RCP. » Pour l’heure, il n’y a pas encore de dispositifs intégrant l’IA et permettant de reconnaître à coup sûr un ACEH en France. Une étude a été menée à Copenhague pour mesurer l’efficacité de la technologie en analysant les résultats de personnes aidées par l’IA et d’autres sans son aide. Sans l’IA le taux de reconnaissance d’un AC était de 90 %, et de 93 % avec l’aide de l’IA. L’écart est faible, mais, en France, nous n’arrivons pas non plus à ce taux élevé de réussite sans l’IA…
Certaines applications seraient, selon leurs concepteurs, capables de détecter un ACEH, comme Good Sam en Angleterre. En filmant avec une caméra, l’application arriverait à diagnostiquer les difficultés respiratoires dans 90 % des cas, qu’il s’agisse d’un arrêt cardiaque ou non.
QUID DES DRONES ?
L’utilisation de drones est aussi attendue par les professionnels. L’idée ? Un « drone ambulance » transportant un DAE capable de se rendre, en quelques minutes, sur le lieu de l’intervention. Doté d’une caméra et d’un micro, le drone devrait à l’avenir permettre aux équipes médicales de donner des instructions précises au premier témoin. Le drone ambulance n’est, pour l’heure, pas une réalité en France mais des prototypes ont déjà été testés et des essais sont en cours.