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Face au dérèglement climatique, quelles réponses de la sécurité civile ?

Le constat est sans appel et dépasse désormais les simples débats entre sceptiques et convaincus. Le climat se réchauffe, les preuves scientifiques abondent, et les conséquences sur notre planète se font déjà ressentir, notamment en terme de catastrophes naturelles. Quel rôle les acteurs de la sécurité civile peuvent-ils jouer face à cette problématique ? Tel était le fil rouge des 4e rencontres parlementaires organisées mercredi 5 juin 2019 par l’IFRASEC (Institut français de sécurité civile) à l’Assemblée nationale.

C’est un enjeu qui nous concerne tous. Simples citoyens, institutions, entreprises, avons tous un impact délétère sur notre planète au travers de nos activités diverses qui entraînent un réchauffement global du climat. « Depuis la période pré-industrielle, les activités humaines ont engendré un réchauffement de 1°C, introduit Valérie Masson-Delmotte, climatologue, directrice de recherche au CEA (commissariat à l’énergie atomique) et co-présidente du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). A ce rythme, nous atteindrons 1,5°C entre 2030 et 2050 ». Une augmentation qui peut paraître relativement réduite à première vue, mais qui, dans les faits, a de graves conséquences. Augmentation des pluies torrentielles, vagues de chaleurs plus fréquentes, augmentation de l’aléa sécheresse, montée du niveau des mers… Telles sont certaines des réjouissances qui nous attendent et dont nous mesurons déjà en partie les effets.

” Certains événements du siècle deviendront des événements annuels à l’horizon 2050″

Valérie Masson-Delmotte, climatologue

Forcément, l’impact sur les populations et l’environnement est direct. Crises sanitaires, feux de forêts plus violents, inondations, ouragans sont déjà depuis quelques années les invités indésirables sur les théâtres d’opérations des forces de sécurité civile. « Le dérèglement climatique est une vraie question, affirme Grégory Allione, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. Le premier gros feu de forêt en France en 2018 s’est déclaré dans le Jura, et en quatre ans, nous sommes partis renforcer deux fois nos collègues suédois. Alors que la loi Santé est révisée tous les quatre ans, comment se fait-il que rien n’ait été fait pour la sécurité civile depuis la loi de 2004 (loi de modernisation de la sécurité civile, ndlr). Nous devons renouveler une vraie ambition de sécurité civile ». Car en effet, comme l’affirme Valérie Masson-Delmotte, « certains “événements du siècle” deviendront des événements annuels à l’horizon 2050 ».
 
Un agenda 21 pour les SDIS ?

Au delà de la réponse opérationnelle que peuvent et devront apporter les acteurs de la sécurité civile pour faire face aux conséquences de ces aléas climatiques, c’est aussi dans le quotidien que des actions concrètes peuvent être menées. Installation de cellules photovoltaïques sur les casernes, intégration de critères environnementaux lors des achats de matériels ou de tenues, énergie dépensée par les engins, sont autant de points qui pourraient être mieux intégrés désormais. « A-t-on pris en compte suffisamment sérieusement toutes ces problématiques ? se questionne Olivier Richefou, président de la Mayenne et président de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS). Je ne pense pas. Face à l’ampleur de la situation, chaque acteur doit agir. Nous, monde de la sécurité civile, pouvons faire quelque chose à notre échelle. C’est pourquoi j’appelle tous les présidents de CASDIS et les directeurs à se doter d’un « Agenda 21 » dans les deux à trois ans à venir. »

“J’appelle tous les présidents de CASDIS et les directeurs à se doter d’un « Agenda 21 » dans les deux à trois ans à venir.”

Olivier Richefou, président de la CNSIS

Dans la poursuite de cette réflexion, le sujet a glissé sur la question des véhicules et de l’énergie employée pour les déplacer. Si aujourd’hui certains SDIS se dotent de véhicules électriques de liaison, l’heure n’est pour autant pas encore au « tout électrique », notamment pour les engins les plus lourds. « Il faut cependant anticiper et commencer dès maintenant à travailler sur la question des véhicules car les solutions en terme d’énergie, d’autonomie, arrivent », annonce Huguette Tiegna, députée LREM du Lot. Un propos quelque peu mesuré par Régis Cousin, président de la FFMI (Fédération française des métiers de l’incendie). « Il faut quand même prendre en compte la réalité économique. Il est envisageable de bénéficier de véhicules électriques pour certains parcs – les véhicules légers, voire les VSAV – mais pour d’autres ce sera difficile dans l’immédiat. Le passage des normes Euro 4 à 5 puis 6 a déjà été compliqué pour les constructeurs. Surtout dans un marché de niche comme l’est celui des véhicules de lutte contre l’incendie. Il est facile de verdir un discours, mais il faut avoir derrière les capacités d’assumer ».

Et c’est en effet la réalité économique qui rappelle malheureusement à l’ordre beaucoup d’ambitieux projets. Si les sapeurs-pompiers prennent aujourd’hui en compte certains impacts environnementaux, comme l’utilisation dès que possible de réserves d’eau non traitée pour éteindre les incendies, les difficultés financières freinent parfois beaucoup les simples bonnes volontés. La sensibilisation des élus, sur ces questions, doit donc être travaillée, car c’est essentiellement au travers d’eux que des solutions pourront voir le jour.

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