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Approvisionnement : des secours en danger ?

Depuis la pandémie de Covid-19 et la crise des matières premières, les fournisseurs d’équipements de secours sont touchés par des problèmes d’approvisionnement. Les conséquences sont nombreuses et remettent parfois l’avenir de ces entreprises en question.

La pandémie de Covid-19, la crise des matières premières et la hausse du coût de l’énergie ont eu de nombreuses répercussions sur les fournisseurs de matériels de secours. Beaucoup ont eu des problèmes d’approvisionnement pour certaines pièces. Entre hausses des prix, délais à rallonge et tentatives de compensation des pertes, l’avenir du marché et de certaines entreprises reste toujours flou.

Des impacts immédiats

Beaucoup de fournisseurs ont subi des problèmes d’approvisionnement. Certains ont manqué de châssis, comme la société TIB, carrossier et constructeur dans le domaine sanitaire notamment. « Nous avons deux principaux fournisseurs de châssis : Renault et Stellantis. Renault n’a pas augmenté les prix des commandes de châssis passées par TIB avant la crise. A contrario, Stellantis n’a pas tenu son engagement sur nos commandes de 2021, soit une trentaine de véhicules, vu les surcoûts à supporter et sans aucun horizon de planning de livraison, elles viennent d’être annulées », déclare Philippe Sandrin, directeur de TIB.

D’autres ont eu des difficultés à s’approvisionner en composants électroniques contenus dans les défibrillateurs automatisés externes (DAE). C’est le cas de l’entreprise Schiller, qui commercialise des appareils de diagnostics cardio-pulmonaires, de défibrillation, de monitorage de patients, ou encore de solutions logicielles pour l’industrie médicale. « Nos produits sont fabriqués en France, en Allemagne et en Suisse, mais certains composants des cartes électroniques de nos défibrillateurs sont seulement fabriqués en Asie. A partir de février/mars 2022, les composants de défibrillateurs étaient donc difficiles à obtenir », explique Christophe Lévêque, dirigeant de Schiller.

Prix en hausse et délais plus longs

Ces problèmes d’approvisionnement ont eu plusieurs conséquences sur les fournisseurs. Pour beaucoup, les délais de livraison ont été rallongés. « Pour nos clients les SAMU, les délais allaient dépasser trois ans sans aucune confirmation de délai ni de prix pour toutes les commandes de base Stellantis », révèle Philippe Sandrin. Schiller a aussi vu ses délais de livraison s’étendre. « En temps normal, on met 72 heures pour livrer nos DAE. Sur 2022, nous étions de 60 à 90 jours, en 2023, nous espérons retomber sur une trentaine de jours. » Le problème est également relevé par les centrales d’achats publiques. D’après Florian Prévost, chef des départements achats véhicules légers, incendie, secours et protection de l’UGAP, « depuis 2020, notre principal problème est de produire et de livrer dans des délais « acceptables ». Nous manquons de visibilité pour ajuster les délais que nous promettons à nos clients et cela va jusqu’à ne plus pouvoir commercialiser d’offre. »

Les prix ont également augmenté. Selon Florian Prévost, « il y a eu une hausse des prix de production et donc une hausse des prix finaux ». Le directeur de TIB le rejoint sur ce point. « Les prix ont augmenté de manière forte fin 2021/début 2022. Il y a eu une hausse moyenne générale de 20 %. Nous avons eu des problèmes de prix et de délais sur certains produits finis : le véhicule et matériel médical… Par exemple, le modèle X250 Fiat Ducato est passé de 20 000 euros hors taxes en décembre 2021 à 34 000 euros hors taxes en décembre 2022. »

Compenser au mieux

Beaucoup de fournisseurs ont donc essayé de trouver des alternatives afin de compenser les pertes. Certains ont diversifié leurs activités, comme TIB. « On a décidé de compenser les pertes de chiffre d’affaires liées aux non-livraisons en développant en dehors de nos marchés traditionnels de nouveaux véhicules paramédicaux (dentiste, PMI, France Service, télémédecine), tous sur une base de 3.5 tonnes. »

De son côté, Schiller a choisi de trouver d’autres marchés. « Nous avons dû passer par des sous-revendeurs qui avaient fait des stocks pour vendre des composants stratégiques avec des marges confortables. » L’entreprise a aussi décidé de compenser par le prix. « Pour des composants électroniques qui valaient quelques euros, nous avons vu les prix décupler, mais nous achetions quoi qu’il arrive pour pouvoir produire, peu importe le coût. » Le fournisseur a également développé lui-même les pièces manquantes. « On a cherché d’autres composants pour les développer et les adapter à nos machines. » Schiller a enfin profité des annulations de commandes des concurrents. « Leurs commandes annulées revenaient directement chez nous. »

Un accompagnement possible

Avec la circulaire n°6374/SG du 29 septembre 2022, les centrales d’achats publiques peuvent aussi accompagner des fournisseurs, comme l’explique Florian Prévost : « le décret de septembre permet à l’acheteur public d’ajuster au cas par cas le prix des contrats (…) Si nos carrossiers tiennent, c’est notamment grâce à cet accompagnement. Sans ces revalorisations exceptionnelles, certaines commandes pourraient être considérées comme toxiques puisque potentiellement à perte pour les industriels. » Des commandes à perte malheureusement réelles pour certains carrossiers…

Et pour le futur ?

La crise s’éternisant, l’avenir semble incertain pour beaucoup d’entreprises. Schiller se voit par exemple dans l’obligation d’augmenter ses prix de vente pour 2023. « Ce contexte n’a pas eu d’incidence économique sur nos ventes, mais sur nos marges, car les ventes de dispositifs médicaux avaient augmenté de 20 à 25 %. Il y a aussi eu la taxe pétrole pour la livraison. Ainsi, même si nous n’avons pas eu d’augmentation de prix en 2022, nous serons obligés d’augmenter les prix de vente aux alentours de 5 % en 2023. »

Selon TIB, le coût énergétique constitue, lui, un vrai danger pour le futur. « Pour 2023, le coût du gaz a été multiplié par trois et celui de l’électricité par six. Nous n’avons pas encore ajouté à nos prix cette hausse énergétique, mais cela sera fait en début d’année. En effet, nous sommes incapables d’absorber un tel surcoût énergétique sur 2023. Cela va impacter fortement nos résultats et mettre en pause nos projets d’investissements. L’objectif n’est donc plus le résultat, mais maintenant simplement de survivre. »

« L’objectif n’est donc plus le résultat, mais maintenant simplement de survivre. »

Nicolas Lefebvre

Journaliste dans la presse économique depuis 2002, il publie également un livre d’investigation aux éditions de l’Archipel en 2010. Secouriste bénévole, sauveteur aquatique et moniteur de premiers secours entre 2004 et 2018, il consacre sa maîtrise d’Histoire contemporaine à l’institutionnalisation du secourisme au sortir de la seconde guerre mondiale.En 2011, il fonde Oxygène Editions afin de publier Secours Mag, puis en 2017, SST Mag. Il assure aujourd’hui la rédaction en chef de ces deux titres de presse professionnelle.

Une réflexion sur “Approvisionnement : des secours en danger ?

  • Bonjour je désirerais me faire un abonnement pour 1 an plus un abonnement informatique avez vous un tarif pour ce type de abonnement
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    Mr davodet

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