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20 ans après AZF, quelle gestion des sinistres majeurs ?

Le 21 septembre 2001, l’usine de production d’engrais azoté AZF explose à Toulouse (31). Considéré comme le pire accident industriel de l’après-guerre, la catastrophe a fait 31 morts et des milliers de blessés. Pour que l’histoire ne se répète pas, le gouvernement de l’époque a instauré un arsenal législatif afin d’améliorer la prévention des risques industriels et technologiques.

21 septembre 2001. Aux abords de Toulouse, à exactement 10h17, un stock de plusieurs centaines de tonnes de nitrate d’ammonium explose dans l’usine AZF. Un énorme nuage orange recouvre la ville rose. La détonation est entendue à plus de 80 km à la ronde. L’onde de choc, comparable à un tremblement de terre, est enregistrée comme un séisme de magnitude 3,4 sur l’échelle de Richter. Le bilan humain et matériel est extrêmement lourd, laissant une marque profonde dans la mémoire des habitants. La plus grande catastrophe industrielle française depuis 1945 fait 31 morts et plus de 5 000 blessés. 30 000 logements sont détruits et endommagés, 5 000 entreprises et 192 établissements publics sont sinistrés.

La loi Bachelot et les PPRT

Au lendemain de l’accident, les pouvoirs publics s’empressent de préparer un arsenal législatif afin de renforcer les politiques de prévention et de gestion des risques industriels et technologiques. Un Grenelle des risques conduit à l’élaboration de la loi Risques du 30 juillet 2003, dite loi Bachelot. Le texte législatif comporte cinq points majeurs et renforce les actions préventives dans plusieurs domaines : 

  • la maîtrise des risques : l’analyse des risques est rendue plus précise en prenant en compte davantage d’éléments, comme la probabilité, la gravité ou la cinétique des accidents ;
  • l’association des travailleurs à la prévention par le renforcement du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), devenu aujourd’hui le Comité social et économique (CSE) ;  
  • l’amélioration de l’information des riverains par l’obligation de notifier les risques aux locataires et aux acheteurs ;  
  • la création de Comités locaux d’information et de concertation (CLIC), lieux d’échange et d’information des acteurs locaux sur les actions menées par les industriels et l’Etat en matière de prévention des risques ;   
  • la création de Plans de prévention des risques technologiques (PPRT). 

Organisant la cohabitation des sites industriels à risques dits Seveso et des zones riveraines, les PPRT ont vocation, par la mise en place de mesures préventives sur les zones habitées et sur les sites industriels, à protéger les vies humaines en cas d’accident. Chaque établissement à haut risque doit faire l’objet d’un PPRT. Comme dans le cas des plans de prévention des risques naturels, c’est le préfet qui prescrit, élabore, et approuve le plan après concertation, consultation des collectivités locales, et enquête publique. A partir des études de danger, quatre zones autour de l’établissement à risque sont définies par les exploitants : 

  • zone 1 : zone de dangers très graves pour la vie humaine
  • zone 2 : zone de dangers graves pour la vie humaine
  • zone 3 : zone de dangers significatifs pour la vie humaine
  • zone 4 : zone de dangers indirects pour la vie humaine par explosion des vitres

Une fois le PPRT approuvé, plusieurs types de mesures sont à prévoir comme :

  • des mesures foncières sur l’urbanisation existante la plus exposée (expropriation, droit de délaissement) ; 
  • des mesures supplémentaires de réduction du risque à la source sur les sites industriels (modification de procédé, déplacement d’unité), si elles sont moins coûteuses que les mesures foncières qu’elles permettent d’éviter ; 
  • des travaux de renforcement à mener sur les logements voisins existants vis-à-vis des effets en cas d’accidents technologiques ; 
  • des restrictions sur l’urbanisme futur (restrictions d’usage, règles de construction renforcées).

Le financement des PPRT

Le financement des mesures correspondantes est défini par des conventions entre État, industriels, et collectivités territoriales qui précisent également les modalités d’aménagement de ces espaces, tandis que les travaux rendus obligatoires par les PPRT et réalisés sur les habitations principales existant à la date d’approbation du plan donnent lieu à crédit d’impôt. 

Modifié plusieurs fois depuis 2003, le financement des travaux prescrits aux logements existants est actuellement assuré par un crédit d’impôts dont le taux est de 40 % du montant des travaux, avec un plafond de 20 000 euros ou de 10 % de la valeur vénale du bien. Depuis 2013, il est également prévu une contribution des industriels et des collectivités locales. Ceci permet de porter à 90 % l’aide apportée aux particuliers qui doivent tout de même débourser en moyenne 2 000 € de leur poche. 

Pour Amaris, l’association des collectivités pour la maîtrise des risques technologiques majeurs, il s’agit de lever les barrières du crédit d’impôt et faire en sorte que les 10 % restants soient pris en charge pour les populations vivant à proximité des usines et dont les revenus restent modestes. Dans la commune de Gonfreville-l’Orcher (76) dont Alban Bruneau, directeur d’Amaris, est maire, les 10 % ont déjà été pris en charge. Le réseau d’adhérents de l’association rencontre des difficultés à mettre en œuvre les lois pour les élus locaux. “Il y a un manque de portage politique pour aller jusqu’au bout”, dénonce Alban Bruneau. 

Un bilan en demi-teinte

En 2020, sur les 16 000 logements concernés par les PPRT, seulement 1 500 d’entre eux ont été construits et/ou aménagés. Les collectivités sont devenues des acteurs à part entière de la gestion des risques. Selon Amaris “La réalité est que l’Etat demeure le principal pilote des politiques dans ce domaine et tout porte à croire que celui-ci a délaissé le sujet. Les moyens des préfectures et des services déconcentrés n’étant pas à la hauteur des enjeux”. L’association fustige par ailleurs un “manque criant de formation et de considération pour la communication publique pourtant essentielle”. Les agents de l’Etat désignés pour communiquer avec les habitants et les non techniciens ont suivi des cursus qui n’intègrent pas de formation en communication publique et de dialogue avec les habitants. De même, les ressources semblent également insuffisantes pour l’inspection des installations classées PPRT. “Dans certaines régions, faute de disponibilité, les inspecteurs ne traitent plus des études de danger, déplore l’association. Pourtant il s’agit de la clef de voûte des dispositifs de prévention et de la réduction du risque à la source”. Amaris a donc interpellé l’Etat sur la nécessité d’assurer à nouveau un portage politique de la gestion des risques en mettant à disposition les ressources permettant à ses agents de mener à bien leurs missions de façon optimale. L’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen en septembre 2019 a rappelé qu’en matière d’accident industriel, le risque zéro n’existe pas.

Retrouvez l’interview de Alban Bruneau, président d’Amaris, dans le prochain Secours Mag

(C) SDIS 76 A Lubrizol, le sinistre s’est étendu sur une surface de 37 000 m2.

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