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Billet d’humeur #42 : Régis Cousin

“ Notre capacité de résilience est défiée ”.

L’incendie Thomas ravage la Californie pendant des semaines, un dramatique feu d’habitation qui endeuille NYC, incendie également d’un restaurant à Bombay et d’un centre commercial à Davao aux Philippines… un tournant d’année 2017-2018 qui paye décidément un lourd tribut au feu. Sans oublier, plus proche de nous, la menace terroriste qui n’est pas totalement dissipée et la recrudescence du risque climatique sous ses formes les plus variées. Nos concitoyens des îles de St-Barthelemy et St-Martin l’ont vécu de la manière la plus éprouvante il y a quelques mois à peine.

La mondialisation et la globalisation ont accentué la concurrence entre les territoires. Dans le même temps, la sophistication de nos modes de vies contemporains (temps sans cesse croissant consacré aux transports, urbanisation galopante de l’habitat, hyper dépendance aux technologies de l’information et de la communication, cyber menaces, etc…) ont fragilisé notre position face au risque. Notre capital « résilience » est défié dans sa capacité à surmonter les obstacles mis sur notre chemin par la nature ou la main malveillante.

Dans le champ de la sécurité civile et de la sécurité incendie, nous avons su construire progressivement un modèle qui limite aujourd’hui considérablement la survenue et les conséquences de sinistres incendies. La France dispose donc aujourd’hui d’un dispositif global performant alliant prévention précoce des flammes par la mise en œuvre de solutions efficaces de protection et excellence des services d’incendie et de secours.

Ce dispositif repose sur un triptyque : réglementation précise, solutions techniques fiables et professionnels compétents. La réglementation a été produite par les pouvoirs publics en tirant les leçons d’expérience douloureuses. Aujourd’hui, s’il est vraisemblablement nécessaire de rendre plus compréhensible cette réglementation, une utile clarification ne doit pas se traduire par une déréglementation sauvage au détriment de nos concitoyens et des responsables d’établissement.

Consciente de sa responsabilité morale et sociétale, notre Fédération s’efforce donc de jouer un rôle d’information et de communication pédagogique. C’est donc avec inquiétude que nous avons pris connaissance du projet de loi 424 “pour un État au service d’une société de confiance”. Ce texte doit permettre l’extension des possibilités de dérogation déjà prévues dans l’article 88 de la loi sur la Liberté de la Création, Architecture et Patrimoine du 7 juillet 2016. Ces possibilités de dérogation concernent notamment les règles relatives à la sécurité incendie, desquelles pourraient désormais s’affranchir le maître d’ouvrage à la condition de prouver qu’il parvient à atteindre les mêmes résultats en termes de sécurité par d’autres moyens. 

Nous souhaitons tout d’abord rappeler qu’en matière de sécurité incendie, la réglementation française décrit de manière précise les moyens à mettre en œuvre pour faire face à un incendie. Ce modèle s’est construit en réponse à des évènements tragiques qui ont vu des dizaines voire des centaines de nos concitoyens perdre la vie lors d’un incendie (5/7 à Grenoble, collège Pailleron, thermes de Barbotan…).

Cette réglementation a fait ses preuves puisque le nombre de victimes baisse de manière continue depuis la fin des années 70. Si près de 600 victimes sont toujours à déplorer chaque année, c’est essentiellement dans les habitations anciennes pour lesquelles la réglementation est la moins exigeante. C’est la prescription précise des moyens de sécurité à mettre en œuvre qui a permis de diviser par deux le nombre de victimes en 30 ans.

Passer d’une logique de moyens à une logique d’objectif ne sera donc pas sans conséquence sur le niveau de sécurité des bâtiments. Quelques soient les procédures mises en œuvre, il est bien évident que l’atteinte d’un objectif de niveau de sécurité ne pourra être vérifiée qu’en cas de sinistre. Les conséquences humaines et économiques d’une absence d’atteinte de cet objectif pourraient s’avérer catastrophiques. De même, les conséquences juridiques pour les maîtres d’ouvrage ayant utilisé les possibilités de dérogations pourraient être très lourdes.

Bouleverser un schéma réglementaire éprouvé pour des raisons économiques conjoncturelles ne doit pas hypothéquer la sécurité des français. L’incendie récent de la tour Grenfell à Londres a malheureusement récemment rappelé que laxisme réglementaire et sécurité ne faisaient pas bon ménage.

Enjeu de solidarité nationale dans le contexte des menaces graves qui pèsent sur la sécurité des Français, la définition d’une politique efficace de gestion des risques est tributaire d’une vigilance sans relâche. C’est le sens de notre message constamment adressé aux représentants de la Nation, au gouvernement, aux autorités de l’Etat et aux collectivités territoriales qui ont la charge de veiller à la sauvegarde de notre pays et de ses richesses.

 

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La Fédération Française des Métiers de l’Incendie (FFMI) est l’organisation professionnelle représentant l’ensemble des métiers de la protection incendie dite « active ». Elle rassemble 12 syndicats professionnels, comptant 300 entreprises adhérentes qui emploient 25000 salariés, en France, et réalisent 3 milliards d’Euros de CA cumulé.

Crée en 1961, elle a pour principe fondateur la promotion de la qualité des produits et des services associés (installation et maintenance). Cette qualité est la garantie de la fiabilité et de l’efficacité des solutions de prévention et de protection mises en œuvre, et donc, du niveau de sécurité des personnes et des biens.

La FFMI a pris part au débat sur la « simplification » des normes depuis plusieurs années. Elle entendait, notamment, préciser la distinction entre « normes » administratives et réglementaires, normes techniques et certification.

 

Régis Cousin.

Régis Cousin,président de la FFMI.

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