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Arrêt cardiaque extra hospitalier et défibrillation précoce : où en sommes nous en 2024 ?

L’arrêt cardiaque extra-hospitalier (ACEH) concerne chaque année 46 000 personnes en France. Malgré des avancées récentes suite à l’adoption de plusieurs textes législatifs, plusieurs axes de progrès doivent être suivis pour améliorer considérablement les taux de survie.

Dr Bruno Thomas Lamotte et Dr Nordine Benameur

Après le décret du 4 mai 2007 (n°2007-705) autorisant les non-médecins à utiliser les défibrillateurs automatisés externes (DAE), le déploiement de DAE et les formations et réunions de sensibilisation aux gestes qui sauvent ont permis d’améliorer le taux de survie qui est actuellement en France de l’ordre de 8 %.
Dès sa création fin 2008, ARLoD (Association pour le recensement et la localisation des défibrillateurs) avait constitué une base de données des DAE à la disposition des services d’urgence afin qu’ils puissent indiquer aux témoins d’un arrêt cardiaque où trouver un DAE accessible.

DES AVANCÉES LÉGISLATIVES

Lors du séminaire, organisé au ministère des Solidarités et de la Santé en mars 2018, intitulé : « Mort subite et défibrillation précoce : les clés de la réussite », ARLoD avait insisté sur la nécessité de rendre obligatoire la déclaration des DAE, compte tenu des limites du volontariat.

Plus récemment, différentes lois ont été promulguées pour améliorer la prise en charge de l’arrêt cardiaque extra hospitalier (ACEH), notamment :

  • Loi « Défibrillateurs » n° 2018-527 du 28 juin 2018 et deux décrets (n°2018-1186 définissant les établissement recevant du public qui devront être équipés et n°2018-1259 concernant la base de données des DAE créée et gérée par la DSG (Géo’DAE).
  • La loi n°2020-840 du 3 juillet 2020 visant à créer le statut de citoyen sauveteur, lutter contre l’arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent est venue compléter les dispositifs réglementaires.

La loi « défibrillateurs » a de plus institué l’obligation pour les exploitants de déclarer leurs défibrillateurs à Géo’DAE.

Le parc français est ainsi passé de 180 000 DAE à la disposition du public à plus de 450 000.
Ceci s’est-il traduit par une amélioration du taux de survie des victimes d’un arrêt cardiaque extrahospitalier ?
Force est de constater que les taux de survie stagnent en France, et sont très inférieurs à ceux des pays nordiques.

© Zoll – La maintenance des défibrillateurs pose encore question.

A L’HEURE DU BILAN

Il est temps de faire un bilan, de comprendre pourquoi le taux de survie reste si bas et réfléchir à des recommandations propres à la France.

Il faut noter que la mise en place de DAE dans les ERP ne s’est pas accompagnée, comme cela avait eu lieu en 2007-2008, d’actions importantes de formation ou de sensibilisation aux gestes qui sauvent.
Pourtant, le rôle du premier témoin est essentiel sur la survie, comme précisé par Deakin dès 2018 (1) et rappelé dans leurs recommandations par 30 experts internationaux en 2023 (2).

Le pourcentage de défibrillations précoces ne semble pas s’améliorer, alors qu’un appel immédiat des secours, les compressions thoraciques de qualité et une défibrillation précoce, permettent d’obtenir des taux de survie de l’ordre de 35 %, voire plus.

LA MAINTENANCE EN QUESTION

La base de données des défibrillateurs, Géo’DAE a compris l’intérêt des sociétés de maintenance. Elles disposent de toutes les informations techniques pour faire la déclaration à Géo’DAE par délégation. L’exploitant reste néanmoins responsable de cet acte et de la maintenance du matériel qui est obligatoire.

Deux remarques à ce sujet : toutes les sociétés qui proposent de faire la maintenance n’ont pas de qualification pour le faire et ne disposent d’une assurance responsabilité civile professionnelle (RCP Pro) couvrant la vente, la location et la maintenance de dispositifs médicaux, alors même que la législation est très claire sur cette obligation d’assurance spécifique (Code de la Santé Publique, Art L1142-2).

Autre point important : la définition de la maintenance. Autant la notion de surveillance est définie (vérification régulière de l’appareil, changement des consommables lors de leur date de péremption : batterie et électrodes…), autant la notion de maintenance se résume à « suivre les recommandations » du fabricant. Aucun texte ne précise le contenu d’une visite sur site, ni sa périodicité ou la compétence des intervenants. Le moment est venu pour que les pouvoirs publics clarifient ce point.

En effet, d’après les informations de certaines sociétés de maintenance ou de secouristes, de plus en plus de défibrillateurs ne sont pas opérationnels. D’où, une perte de chances pour les victimes d’un ACEH. Ajoutons que la législation concernant la signalétique n’est pas encore suffisamment appliquée et qu’il en résulte une perte de temps pour trouver le DAE de proximité.

La notion de maintenance se résume à « suivre les recommandations » du fabricant. Aucun texte ne précise le contenu d’une visite sur site, ni sa périodicité ou la compétence des intervenants.

ET POUR 2024 ?

Les services d’urgence et de secours sont conscients que des progrès peuvent encore être réalisés, et travaillent, pour mieux aider les témoins à être des acteurs de la chaîne de survie, et utiliser à bon escient les citoyens sauveteurs.
L’ensemble de ces points sera abordé par les experts lors du séminaire ARLoD du jeudi 21 mars 2024 : « Arrêt cardiaque extra hospitalier, de l’appel à la défibrillation précoce : où en sommes-nous ? »
Elle est ouverte, sur inscription et dans la limite des places disponibles à l’ensemble des acteurs intéressés par la prise en charge de l’ACEH qui, rappelons-le, frappe chaque année en France 46 000 personnes.

Dr Bruno Thomas Lamotte

Médecin et psychosociologue, après quelques années dans le marketing et l’industrie pharmaceutique, il a créé une agence de communication médicale et ainsi été confronté au monde des urgentistes. Membre fondateur d’ARLoD (Association pour le recensement et la localisation des défibrillateurs) fin 2008, il en a pris la présidence en 2014.

Dr Nordine Benameur

Pendant toute sa carrière de médecin urgentiste au SAMU du Nord, Pôle de l’Urgence, CHU de Lille et médecin du sport, il a activement participé à l’accompagnement de la mise en place des DAE. Il fait partie des pionniers de la sensibilisation à la prise en charge de l’arrêt cardiaque par le premier témoin. Fondateur du Centre d’expertise mort subite nord de France du CHU Lille, il est aujourd’hui, vice-président d’ARLoD et co-président de la commission des gestes qui sauvent de la Fédération française de cardiologie (FFC).

Notes
(1) Deakin CD, “the chain of survival: not all links are equal”. Resuscitation, 2018, 126, 80-82.
(2) The Lancet Commission to reduce the global burden of sudden cardiac death: a call for multi- disciplinary action. Lancet 2023, 402:883-936.


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