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Urgences : vers une grève nationale

Le mouvement de grève qui a pris naissance dans les services d’urgence parisiens de l’AP-HP à la mi-mars s’est propagé pour atteindre plusieurs hôpitaux en région. Les syndicats réclament la mise en oeuvre de mesures d’urgence à court terme.

Ca urge ! C’est en substance le message adressé par les syndicats des professionnels soignants excerçant dans les services d’urgence français. Depuis plusieurs années, de nombreux personnels s’alarment d’une détérioration de la situation du système hospitalier français. Une situation qui est de nouveau au coeur de l’actualité après qu’un premier mouvement de grève ait débuté à la mi-mars après la double agression d’une infirmière et d’une aide-soignante à l’hôpital Saint-Antoine. La grève s’est ensuite étendue à plusieurs services d’urgence de l’AP-HP avant de gagner encore en ampleur et de s’étendre sur l’ensemble du territoire national. Une quarantaine de services d’urgence seraient en grève, ce jeudi 23 mai, et ce n’est qu’un début selon les principaux protagonistes. Ils pourraient être une soixantaine en début de semaine prochaine. 

  

Un cri d’alarme

Dans un courrier adressé à la ministre de la Santé, le Dr François Braun, président de Samu-Urgences de France, tire la sonnette d’alarme. “Les structures de Médecine d’urgence (services des urgences, SamuCentre 15, Smur) sont à un point de rupture jamais atteint (…) Après la saturation des services, c’est la saturation des personnels qui n’acceptent plus de travailler dans des conditions désormais incompatibles avec la qualité et la sécurité des soins. Nous sommes extrêmement inquiets sur l’été à venir.”

Une inquiétude largement partagée par d’autres syndicats, à l’image de la CGT. “Nous sommes confrontés à un manque d’effectifs, de moyens, de lits alors que dans le même temps on constate une augmentation d’activité dans les services, avec notamment des patients qui se présentent aux urgences parce qu’ils n’ont pas pu être pris en charge en amont en raison du manque de médecins, souligne Astrid Petit, syndicaliste CGT syndiquée à la fédération de la santé à Paris. Et cette situation ne concerne pas uniquement les hôpitaux de l’AP-HP ! Ca va mal partout ! Alors que les besoins sont de plus en plus importants, de plus en plus d’hôpitaux sont menacés avec des fermetures qui se font par “petits bouts” : on commence par fermer les urgences. Résultat : le service de chirurgie est derrière lui aussi menacé.”

A defaut de moyens, la dette qu’on va laisser à nos enfants ce sont des morts sur les brancards !

 

Le manque de moyens est également dénoncé avec force par le Dr Christophe Prudhomme, médecin urgentiste au SAMU de Seine-Saint-Denis (93), et porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF). “Nous ne sommes pas aujourd’hui en nombre suffisant pour assurer la sécurité des patients. Il faut des moyens supplémentaires. On parle surtout d’organisation aujourd’hui, en mettant en avant par exemple l’hospitalisation en ambulatoire. Mais c’est une escroquerie quand il s’agit de prendre en charge des patients de plus de 50 ans qui souffrent de maladies chroniques et ont besoin d’hospitalisation à long terme. De même, lorsqu’une patiente meurt sur un brancard à l’hôpital de Lariboisière, on ne peut pas se contenter d’affirmer, comme la ministre de la Santé l’a fait, qu’il s’agit d’un problème d’organisation. Certains responsables politiques et directeurs d’hôpitaux expliquent qu’il faut restreindre les budgets pour ne pas augmenter la dette des générations futures. Mais à defaut de moyens, la dette qu’on va laisser à nos enfants ce sont des morts sur les brancards !”

 

Quelles revendications et quelles suites ? 

“Nous n’attendons pas de réponses de long terme. Nous avons au contraire besoin de réponses concrètes et urgentes. Et alors que le mouvement de grève a pris de plus en plus d’ampleur au niveau national, on ne peut que constater le silence assourdissant de la ministre de la Santé. Agnès Buzyn doit prendre la mesure du malaise et de la colère des personnels soignants. Au lieu de ça, on nous annonce la fermeture de 1 000 lits en gériatrie l’année prochaine !” s’insurge Astrid Petit. Quelles sont les revendications des soignants en grève ? “Nous souhaitons la création de 700 postes supplémentaires répartis sur 17 services d’urgence adultes. Ce n’est pas une demande qui sort de nulle part, mais d’un besoin d’effectifs établi conformément au référentiel de Samu-Urgences de France, note le Dr Christophe Prudhomme. Nous demandons également une augmentation des salaires mensuels de 300 euros pour l’ensemble des agents des services d’urgence.”

Pour l’heure, la ministre de la Santé n’a pas réagi. “Le Gouvernement ne nous entend pas puisqu’il entend poursuivre sa politique de suppression de postes de fonctionnaires”, relève Astrid Petit. De son côté, le Dr Prudhomme déplore lui aussi le silence d’Agnès Buzyn. “Elle est venue pour soutenir des soignants qui ne lui avaient rien demandé après la pseudo attaque de La Pitié Salpêtrière le 1er mai dernier, mais elle ne se rend pas dans les services d’urgence pour soutenir les personnels qui sont en grande souffrance…” Quelles seront les suites du mouvement qui a débuté maintenant depuis plus de deux mois ? Alors que Samu-Urgences de France appelle les personnels de toutes les structures de médecine d’urgence à arrêter symboliquement le travail le mardi 28 mai à midi, pendant cinq minutes, et à se regrouper devant leur service, les grévistes entendent se réunir ce week-end à Paris pour se rassembler et gravir encore un échelon supplémentaire dans la mobilisation nationale. Une grève qui pourrait bien encore se durcir au lendemain des élections européennes…

 

 

 

 

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