Billet d’humeur #50 : Henri Julien
“ Secourisme du XXIe siècle, quelle évolution ? ”
Témoin ancien (privilège de l’âge) de l’évolution du secourisme, quelques réflexions sur les étapes qui témoignent de son adaptation aux techniques et situations nouvelles. Le secourisme procède de la médecine. Il suit son évolution technique, agrège l’ensemble des spécialités médicales : marqué par la traumatologie chirurgicale pendant les années d’hécatombe routière puis intégrant les données de l’anesthésie-réanimation (PLS, MCE..). La cardiologie et le DAE, puis la psychiatrie et le choc post-traumatique, la pédiatrie et l’obstétrique, la médecine d’urgence contribuent à faire évoluer les gestes secouristes. La révolution numérique, la miniaturisation qu’elle autorise vont faire irruption dans le monde du secourisme. Les moniteurs et lecteurs de constantes se multiplient : mesure de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle, de la saturation en O2, évaluation de la glycémie vont compléter le bilan clinique. Mais c’est le DAE qui va amener une révolution par sa simplicité d’usage et son interactivité. Les techniques numériques vont autoriser des transmissions de données et enrichir le soutien médical. Elles vont également influencer la pédagogie offrant des possibilités d’enseignement aidé par la simulation. La chaîne de secours a évolué et s’est complétée. L’action du témoin garde toujours un rôle déterminant dans la survie des victimes : protection, alerte, secours. Elle sera complétée par des équipes de secouristes institutionnels et une éventuelle médicalisation suivie de l’évacuation vers les services hospitaliers. Ce schéma que les Américains nous ont emprunté et baptisé sous le nom de survival chain a été complété par l’intervention des forces de l’ordre lors des agressions terroristes avec prise d’otage. La multiplication des actes terroristes et leur prévention a changé notre manière de vivre : la fouille pour entrer dans un espace public s’est banalisée. Elle justifie l’intégration de techniques militaires mises au point par le Service de santé des armées et l’OTAN : utilisation élargie du garrot pour stopper une hémorragie balistique, damage control ground zero. Le secourisme a pris en compte l’évolution des dangers et des risques émergents du domaine NRBC, du risque épidémique. L’évolution climatique et son cortège de canicules, d’inondations, de cyclones oblige à adapter et diffuser les gestes de prévention et de secours. Un renforcement éthique s’est manifesté : obligation de réserve lorsqu’on porte secours, respect du secret médical lorsqu’on travaille avec un médecin. La préservation du droit à l’image des victimes s’impose devant la multiplication des réseaux sociaux qui favorisent la diffusion des images. Enfin la situation et la responsabilité juridique du secouriste inquiète toujours. Suis-je capable de faire le geste ? Est-ce le bon ? L’ai-je fait correctement ? L’appréciation dépend du juge. Espérons que la réflexion sur le secouriste-citoyen proposée très récemment à l’Assemblée nationale aboutira pour doter les secouristes français d’un équivalent de loi du bon samaritain adoptée en pays anglo-saxons.
Cette évolution a été bien suivie par Secours Mag qui contribue ainsi à approfondir et diffuser le secourisme, matière vivante en constante évolution.
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Médecin général Henri Julien, président de la Société française de médecine de catastrophe