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Ségur de la santé : grand brasier ou feu de paille ?

La crise liée au coronavirus a créé des remous profonds dans la communauté des professionnels de santé. Une fois l’urgence passée, l’heure est désormais aux retours d’expérience et à l’analyse du système qui a mis en exergue de grandes faiblesses. Pour ce faire, le Gouvernement a lancé le Ségur de la santé. Mais les inquiétudes quant à sa réelle efficacité sont nombreuses.

« L’engagement que je prends ce soir pour [nos soignants] et pour la Nation toute entière, c’est qu’à l’issue de cette crise un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières sera construit pour notre hôpital. C’est ce que nous leur devons, c’est ce que nous devons à la Nation. Cette réponse sera profonde et dans la durée. »
Les mots sont prononcés… C’était le 25 mars dernier, à Mulhouse. Lors de son allocution « aux côtés des femmes et des hommes mobilisés en première ligne pour protéger les Français du Covid-19 », le président de la République s’engage à revoir la copie du système hospitalier français. Depuis longtemps dénoncée à grands coups de manifestations, de tribunes, de pétitions, de grèves, la situation dramatique de l’hôpital public français devient, avec la crise du coronavirus, critique. Face à des soignants qui tiennent la vie des Français entre leurs mains en cette période sanitaire exceptionnelle, le Gouvernement ne peut plus faire la sourde oreille.

Une grande concertation

Deux mois plus tard, jour pour jour, Edouard Philippe, Premier ministre, et Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, lancent le plan annoncé par Emmanuel Macron et mettent un nom sur sa mise en oeuvre : le Ségur de la Santé. Du nom de l’avenue parisienne qui encadre en partie le ministère des Solidarités et de la Santé, le « Ségur de la Santé » prend la forme d’une grande concertation nationale des acteurs du système de santé qui durera un mois, prenant fin au 31 juin 2020. Objectif affiché par le ministère : « tirer collectivement les leçons de l’épreuve traversée et faire le lien avec les orientations de Ma Santé 2022, pour bâtir les fondations d’un système de santé encore plus moderne, plus résilient, plus innovant, plus souple et plus à l’écoute de ses professionnels, des usagers et des territoires, avec des solutions fortes et concrètes. » Quatre piliers sont identifiés :

• Pilier n°1 : Transformer les métiers et revaloriser ceux qui soignent ;

• Pilier n°2 : Définir une nouvelle politique d’investissement et de financement au service des soins ;

• Pilier n°3 : Simplifier radicalement les organisations et le quotidien des équipes ;

• Pilier n°4 : Fédérer les acteurs de la santé dans les territoires au service des usagers.

 

Des professionnels inquiets

Les dés ont ainsi été jetés de la main du Gouvernement. En attendant que les résultats s’affichent, d’ici mi-juillet, on peut compter sur l’esprit séditieux des Français, et du personnel soignant en particulier, qui n’en est pas à ses premières annonces. « Le Ségur ? Je n’en pense rien, répond d’un air désabusé le Dr Yannick Gottwalles, chef du pôle Urgences du centre hospitalier de Colmar. Nous n’avons rien à attendre de cela. Les dirigeants n’ont rien compris à ce qui s’est passé. Nous avons un système défaillant, qui ne fonctionne pas, ou plus, mais on continue sur la même voie. On peut faire autant de Grenelle, de Ségur, d’Etats généraux qu’on veut ; à chaque fois on change le nom, mais on reste dans la même situation. » L’inquiétude est partagée par un grand nombre de professionnels. Le Ségur représente pour beaucoup une réponse politique à la crise, vue comme un feu de paille qui permettra de calmer les esprits, sans apporter de réponses structurelles ou de remise en question réelle du système, qualifié de plus en plus souvent de malade. « Nous sommes extrêmement sceptiques sur la capacité du Ségur à donner quelque chose d’efficace, déplore Hugo Huon, président du Collectif Inter Urgences. Le Ségur, c’est avant tout un volet « dialogue social » avec les syndicats, et les autres volets ne sont que des boites postales où il n’y a personne dedans. Chacun expose ses doléances en séance plénière, mais on ne sait pas comment ce sera arbitré à la fin. » S’il est plus que probable que les salaires des personnels de santé seront revalorisés – le Gouvernement n’ayant plus vraiment le choix – beaucoup ont peur de voir des lits continuer de fermer, comme à Caen ou à Nancy. « Si les salaires augmentent, la mobilisation des personnels de santé va être très compliquée dans l’avenir », analyse Hugo Huon.

 

Manque à l’appel

La crainte est avant tout que cette consultation ne donne pas les espoirs attendus par le plus grand nombre, à savoir revoir l’ensemble du système, son fonctionnement, quitter sa vision hospitalocentrée, intégrer la formation et la recherche, faire les ponts entre l’hôpital public et privé… Les doléances, comme les acteurs concernés, sont nombreux. Mais pas toujours invités à discuter. « La sortie d’une approche médico-centrée, pour l’adoption d’un système de santé centré sur le patient, au sein duquel l’ensemble des professionnels de santé apportera toute son expertise et toutes ses compétences, doit voir le jour, écrit dans un communiqué l’ensemble de la profession infirmière regroupée comme un seul homme pour l’occasion. Ce Ségur s’est ouvert par une présentation théâtrale médiatique, avec une visioconférence réunissant près de 300 représentants sans possibilité d’expression (…). Les représentants des 700 000 infirmiers ont littéralement été exclus des concertations. » Si certaines professions n’ont pas été conviées, d’autres, pour le coup invitées, ont claqué la porte, comme les syndicats de praticiens hospitaliers et d’internes.

La situation est donc extrêmement tendue et il est peu probable que les solutions qui seront annoncées mi-juillet satisfassent toutes les professions de santé concernées. Et plus encore qu’elles soient « profondes et dans la durée ». Réponse d’ici une quinzaine de jours…

 

La composition du Ségur

C’est Nicole Notat qui s’est vue confiée l’animation du Ségur de la santé. Ancienne institutrice, elle s’est par la suite notamment illustrée comme une figure du monde syndical.

Au sein du Ségur, elle peut compter sur une équipe d’animation composée d’experts du système de santé :

• Direction générale de l’offre de soins, Direction générale de la cohésion sociale et Direction de la sécurité sociale ;

• Deux Agences régionales de santé ;

• Union nationale des Caisses d’assurance maladie, Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et Centre national de gestion ;

• Associations d’élus : Association des régions de France, Association des départements de France et Association des maires de France ;

• Ordres : Conseil national de l’ordre des médecins

• Représentants des usagers (France Assos Santé) ;

• Conférences hospitalières et médico-sociales : conférence des PCME de CHU, conférence des Directeurs généraux de CHU, conférence des PCME de CH, conférence des Directeurs de CH, conférence des PCME de CHS, ADESM, AD-PA, CNADEPAH, conférence des doyens de faculté de médecine ;

• Fédérations et associations d’établissements et employeurs du secteur sanitaire et médico-social : FHF, FEHAP, FHP, Unicancer, FNEHAD, SYNERPA, Union nationale Aide à domicile en milieu rural (ADMR), Union nationale de l’aide, des soins et des services au domicile (UNA) ;

• Organisations syndicales hospitalières et médico-sociales : CFDT, CGT, SUD-Santé, FO, UNSA, Intersyndicat national des praticiens hospitaliers, APH, Avenir hospitalier, Coordination médicale hospitalière, Syndicat national des médecins des hôpitaux publics ;

• Syndicats de praticiens et professions paramédicales libéraux : CSMF, MG France, LE BLOC, SML, FMF, FFCPTS, AVEC SANTE, FFPS, UNPS ;

• Représentants des étudiants en santé et jeunes médecins : FAGE, ANEMF, FNESI, ISNAR-IMG, ISNI, ReAGJIR ;

• Collectif inter-hospitalier.

 

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