Sécurité des sapeurs-pompiers : le Sénat propose 18 mesures
Le 6 mars 2019, une mission d’information relative à la sécurité des sapeurs-pompiers était créée par la commission des lois du Sénat. Cette mission a abouti à la remise d’un rapport, ce 11 décembre, qui préconise 18 mesures pour que cessent les violences exercées sur les soldats du feu.
« 18 mesures pour que cesse l’inacceptable ». C’est l’intitulé du rapport qui a été remis ce mercredi 11 décembre par la commission des lois du Sénat. Trois co-rapporteurs avaient été désignés pour mener à bien la mission d’information relative à la sécurité des sapeurs-pompiers : Patrick Kanner, Loic Hervé et Catherine Troendlé. Leurs objectifs : aboutir à des préconisations opérationnelles abordant toutes les facettes du problème (volet pénal, coordination des différentes forces de sécurité, formation, adaptation des matériels, campagne d’information…).
Des agressions en hausse et ressenties plus durement
Les trois sénateurs dressent d’abord un constat : les agressions dont sont victimes les sapeurs-pompiers sont en augmentation constante. Selon l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDPR), 2 813 agressions ont été déclarées en 2017, contre 2 280 en 2016, soit une augmentation de 23 %. Pour 10 000 interventions, ce sont 6 sapeurs-pompiers qui ont été agressés en 2017 (contre 5 l’année précédente). Ce nombre a encore plus significativement augmenté en dix ans, avec 1 914 agressions de plus en 2017 qu’en 2008, soit une augmentation de 213 %. Les chiffres transmis par le ministère de l’Intérieur relatifs aux cinq premiers mois de l’année 2019 confirment cette tendance à l’augmentation puisqu’ils sont supérieurs de 50 % à ceux relevés sur la même période au cours de l’année 2018.
Autre enseignement : ces agressions sont ressenties plus durement par les soldats du feu qui ont le sentiment d’être confrontés à des formes de violence de plus en plus extrêmes. Au delà des outrages et des agressions, ils dénoncent « de véritables guet-apens : jets de pierre, de cocktails Molotov ou de parpaings, agressions à l’arme blanche, ou encore attaques et destructions de véhicules et de centres de secours », selon la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF). Des agressions qui ont conduit, en 2017, à 955 jours d’arrêts de travail pour les acteurs du secours concernés. Cette détérioration des conditions d’intervention trouverait son explication dans la dégradation sociale et sanitaire de certains territoires due en partie au recul des différents services publics. Ainsi par exemple, les sapeurs-pompiers doivent souvent « gérer » des individus en très grande détresse sociale ou précarité, pouvant être l’alcoolisés ou sous l’emprise de stupéfiants.
Prévention, protection et post intervention
En matière de prévention, les co-rapporteurs recommandent la mise en oeuvre de grandes campagnes de sensibilisation, à l’image de la campagne lancée en 2018 par la FNSPF sur les réseaux sociaux avec le slogan « #TouchePasAMonPompier ».
Le rapport préconise également de doter les Services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) de matériels à même de garantir la sécurité des intervenants : vitrages feuilletés sur les véhicules d’intervention, et gilets pare-lames. Un soutien financier de l’Etat est attendu en ce sens. La solution ? Réaffecter les économies dégagées depuis 2016 par la réforme de la prestation de fidélisation et de reconnaissance qui s’élèvent à 30 millions d’euros par an. Au niveau opérationnel, la coordination des forces « bleu, blanc, rouge » doit être renforcée pour éviter une surchauffe opérationnelle des SDIS et sécuriser les sapeurs-pompiers. Autre prescription : clarifier la répartition des missions de secours entre pompiers et services de santé, via notamment la montée en puissance des platesformes uniques de réception des appels d’urgence. Dans ce cadre, il « conviendra de réexaminer le référentiel commun sur l’organisation du secours à personne et de l’aide médicale urgente du 25 juin 2008.»
Enfin, le rapport préconise un renforcement de l’assistance psychologique et juridique des pompiers victimes d’agression.
Réaction de la FNSPF
A la lecture du rapport, la FNSPF a exprimé sa “vive satisfaction” après l’adoption par la commission des lois du Sénat du rapport. Pour son président, Grégory Allione, une mesure essentielle doit être retenue sans laquelle aucun progrès notable ne pourra être enregistré dans la lutte contre les agressions : la création d’un numéro unique d’appel d’urgence, le 112, autour de plateformes départementales communes regroupant tous les services (pompiers, police, gendarmerie, Smur). En conclusion, la fédération appelle le Gouvernement et le Parlement à se saisir de ce rapport pour mettre en place la réponse puissante nécessaire pour protéger l’ensemble des 248 000 pompiers professionnels et volontaires.
Les 18 propositions du rapport
Proposition n° 1 : Mettre en œuvre une campagne de sensibilisation audiovisuelle contre les violences commises à l’encontre des sapeurs-pompiers afin d’alerter sur le phénomène sans décourager les vocations.
Proposition n° 2 : Développer la sensibilisation et l’engagement des jeunes auprès des acteurs de la sécurité civile afin de créer des liens étroits et une connaissance réciproque entre les sapeurs-pompiers et la population.
Proposition n° 3 : Nommer un référent « sécurité » dans chaque service départemental d’incendie et de secours (SDIS) en lien avec la commission administrative et technique des services d’incendie et de secours (CATSIS).
Proposition n° 4 : Reverser à la sécurité civile les économies réalisées par la réforme de la prestation de fidélisation et de reconnaissance de 2016 et flécher prioritairement les versements vers les investissements des SDIS qui garantissent la sécurité des sapeurs-pompiers.
Proposition n° 5 : À partir de l’expérimentation des caméras « piéton », établir une doctrine précise afin d’en faire un outil fiable de prévention des violences et de réponse pénale.
Proposition n° 6 : Mettre en place un référentiel national et généraliser la formation des sapeurs-pompiers aux différentes stratégies d’évitement et d’autoprotection.
Proposition n° 7 : Partager les bonnes pratiques en matière d’utilisation de matériels ou de doctrine d’intervention pour aider chaque SDIS à faire face aux violences rencontrées.
Proposition n° 8 : Réexaminer le partage des compétences de la sécurité civile et des services de santé.
Proposition n° 9 : Développer les plateformes communes d’appel d’urgence favorisant l’échange d’informations avec les services de santé et la sécurisation du cadre opérationnel des sapeurs-pompiers.
Proposition n° 10 : Faire des préfets les garants de l’application des protocoles de prévention et de lutte contre les agressions visant les sapeurs-pompiers.
Proposition n° 11 : Associer les directeurs de SDIS aux réunions « sécurités » organisées par les préfets.
Proposition n° 12 : Inscrire un volet « transfèrement pénitentiaire » dans les protocoles de prévention et de lutte contre les agressions visant les sapeurs-pompiers.
Proposition n° 13 : Créer un cadre d’emplois spécifique aux psychologues de SDIS.
Proposition n° 14 : Mettre en place une coordination des unités de soin psychiatrique et un référentiel national des pratiques du secours et du soutien psychologique au sein des SDIS.
Proposition n° 15 : Assurer l’information des sapeurs-pompiers et des SDIS sur le contenu et les modalités de mise en œuvre de la protection fonctionnelle.
Proposition n° 16 : Généraliser l’assistance juridique des SDIS au bénéfice des sapeurs-pompiers victimes, tant lors du dépôt de plainte que dans le suivi de leur dossier.
Proposition n° 17 : Mener à son terme l’adoption par le Parlement de la proposition de loi relative au renforcement de la sécurité des sapeurs-pompiers.
Proposition n° 18 : Prévoir la saisine systématique de la justice par le SDIS en cas de violence contre un sapeur-pompier, par l’intermédiaire d’un dépôt de plainte ou d’un signalement.