Enquêtes en ligneWeb

Ma santé 2022 : la réponse du gouvernement au mal-être de l’hôpital public

Le 20 novembre 2019, la Ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn et le Premier ministre, Edouard Philippe annonçaient un nouveau plan de sauvetage de l’hôpital public. Ce plan est la réponse du gouvernement au profond mal-être des personnels hospitaliers, la troisième en 2019.

Le contexte

Avant de détailler le contenu du plan Ma santé 2022, il convient de revenir sur le contexte de cette fin d’année 2019. En mars, certains personnels paramédicaux débutent une grève dans les urgences. Un mouvement qui s’installe dans le temps, si bien que la veille de l’annonce du gouvernement, 268 services d’urgence sont en grève. Fait inédit : un collectif s’est créé pour soutenir ce mouvement de grève, le Collectif Inter Urgences (CIU). Il réclame une augmentation des capacités d’accueil des urgences, une augmentation des effectifs et une revalorisation salariale. En bref, des services plus étoffés. Pendant cette grève, le ministère des solidarités et de la santé multiplie les annonces pour essayer d’éteindre l’incendie. En vain. En juin et en septembre Agnès Buzyn avait déjà fait des annonces portant sur l’investissement dans les hôpitaux publics.

Au fur et à mesure des mois, alors que le mouvement est porté par des aide-soignants et des infirmier.es, les médecins, chefs de service et directeurs d’hôpitaux prennent part aux revendications, aux manifestations et s’expriment publiquement. Le Dr Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF), demande “des moyens supplémentaires. Nous avons aujourd’hui des infirmières, des aide-soignantes qui se reconvertissent. Les moyens c’est une augmentation de salaire, pas une prime pour certains”.

Les chiffres dressent un état des lieux factuels. La dette de l’hôpital public est d’environ 30 milliards d’euros. Mais ce chiffre ne suffit pas à comprendre l’état de santé du patient. Depuis 2010, les tarifs payés par l’assurance maladie ont baissé de 5 % pendant que l’inflation augmentait de 9,4 %. Les hôpitaux publics génèrent donc du déficit chaque année. En 2016, 48 % des hôpitaux étaient en déficit. Un an plus tard, ils étaient 60 %. Le plan de financement de la sécurité sociale, dans le projet de loi 2020, se fixe un objectif de progression de 2,3 %, alors que la projection de progression des dépenses est de 4,4 %. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la situation financière ne permet pas aux directeurs d’hôpitaux de réaliser des investissements. Les personnels hospitaliers montrent les conséquences de cette situation : locaux vétustes, manque d’effectifs ou turn-over en augmentation. Frédéric Valletoux, président de la Fédération Hospitalière de France (FHF), précise que “les hôpitaux doivent faire davantage d’actes pour contrebalancer la baisse des tarifs.”

 

Ma santé 2022

C’est dans ce contexte qu’Agnès Buzyn annonce, le 20 novembre, un troisième plan de sauvetage de l’hôpital.

L’hôpital fait partie de notre patrimoine national. Il est aujourd’hui le garant de l’accès aux soins pour la population dans tous les territoires, l’organisateur des soins les plus techniques et complexes, le premier promoteur de la recherche et de la diffusion des innovations thérapeutiques et un des principaux acteurs de la formation des futurs professionnels de santé.

L’hôpital est le fruit d’une longue histoire et fait la fierté de nos concitoyens. Cet hôpital, tel que nous le connaissons, existe grâce à l’investissement de tous les hospitaliers. Qu’ils soient médecins, infirmiers, aides-soignants ou administratifs, c’est l’engagement quotidien de tous ces professionnels qui contribue à faire de l’hôpital français un des meilleurs au monde.

[…]

Mais la situation de l’hôpital implique que nous apportions des solutions supplémentaires pour répondre aux problématiques qui ne peuvent pas attendre. Nous devons investir plus fortement dans l’hôpital public car il doit rester un des piliers de notre système de santé. Nous devons rapidement renforcer l’attractivité des métiers de l’hôpital, redonner aux soignants les conditions de travail nécessaires à la réalisation de leurs missions et permettre à l’hôpital d’investir dans le présent et pour l’avenir.

Ce nouveau volet de Ma Santé 2022, nous le réussirons si nous faisons confiance à la communauté hospitalière dans sa diversité. La nouvelle gouvernance de l’hôpital – qui associera plus fortement les médecins et tous les soignants – devra participer à ce nouvel élan dont l’hôpital a besoin. Ce plan, et ce beau projet de société qu’est l’hôpital, nous le réussirons enfin avec l’engagement de toutes et tous : le gouvernement, les professionnels de santé, les élus et tous les citoyens.

Le plan, disponible dans sa version intégrale ici, est organisé autour de trois axes :

  1. Renforcer l’attractivité des métiers et fidéliser les soignants
  2. Lever les blocages de l’hôpital public
  3. Réinvestir dans l’hôpital en lui donnant des moyens nouveaux et de la visibilité dans le temps.

Chaque axe est décliné en mesures, 14 au total. Mais toutes les mesures ne sont pas chiffrées ni inscrites dans un planning précis. Ainsi lit-on, à de nombreuses reprises, “Mise en œuvre en 2020” ou “sera abordée dans le cadre de la loi de programmation pluriannuelle pour la recherche, qui est en cours de préparation.”

Parmi les mesures annoncées, le plan prévoit la reprise par l’Etat de 30 % de la dette des hôpitaux, l’attribution de primes pour les personnels paramédicaux d’Ile-de-France et l’augmentation du financement de 1,5 milliard sur trois ans.

 

Les réactions

La réaction des personnels est mitigée. La FHF salue la rallonge budgétaire : “Ces mesures sont une mise en cohérence entre les annonces politiques et les actes budgétaires, ce qui avait cruellement fait défaut dans les intentions budgétaires initiales”, indique Frédéric Valletoux.

Pour les soignants, l’accueil est beaucoup moins chaleureux. « Je suis désespéré. On nous annonce comme le messie un troisième plan depuis le début de l’année, et il tombe complètement à côté de la plaque », réagit Hugo Huon, infirmier à l’AP-HP et porte-parole du CIU. Idem pour le collectif Inter-hospitalier. « Avec 800 euros de prime par an en région parisienne, on est loin d’amener nos infirmiers à la moyenne salariale de l’OCDE, ça va les rendre fous », prévient Anne Gervais, praticienne hospitalière et porte-parole.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Share
X