La GQS institutionnalisée : oui mais après ?
Un arrêté du 30 juin paru au Journal officiel le 16 septembre dernier instaure une sensibilisation aux gestes qui sauvent (GQS). Si cette institutionnalisation des initiations au secourisme semble aller dans le bon sens, elle n’en suscite pas moins des interrogations de la part de certaines associations agréées de sécurité civile.
La GQS est arrivée… Un nouveau sigle de prime abord bien mystérieux. Un de plus serait-on tenté de dire. Levons le voile du mystère : GQS pour… Gestes qui sauvent… Rien de nouveau en somme… En effet, le développement des formations visant à l’apprentissage des gestes qui sauvent ne date pas d’hier. Même s’il est vrai que les attentats qui ont frappé la France à partir de 2015 ont eu comme incidence de replacer ces apprentissages au centre des préoccupations. Pour preuve : le label grande cause nationale 2016 qui a été attribué au collectif d’associations “Adoptons les comportements qui sauvent ” constitué autour de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), de la Croix-Rouge française (CRF) et de la Fédération nationale de la protection civile (FNPC). Alors concrètement que va changer ce nouvel arrêté ? Et pour les associations agréées de sécurité civile (AASC) et les organismes habilités à la formation aux premiers secours, quels seront les impacts de cette institutionnalisation de l’apprentissage aux gestes qui sauvent ?
Des bénévoles trop sollicités
En instituonnalisant les gestes qui sauvent, l’arrêté du 30 juin a le mérite de démontrer l’engagement de l’Etat en matière de sensibilisation au secourisme. Mais les AASC qui sont partie prenante de la formation sont-elles en capacité d’assurer sur la durée des initiations nécessitant des besoins autant humains que matériels ?
L’Etat confond la disponibilité des bénévoles avec celle des fonctionnaires ou des militaires
“Le rapport Pelloux/Faure avait déja souligné la difficulté pour les AASC de solliciter en permanence leurs formateurs bénévoles pour la dispense d’initiations aux gestes qui sauvent, souligne Joël Prieur, président de la commission secourisme du Conseil national de la protection civile (CNPC). La disponibilité des bénévoles n’est pas extensible entre leurs missions consacrées au secours à personnes, les interventions de soutien aux populations et leur emploi dans le cadre du plan ORSEC/Novi. Au final, l’Etat confond la disponibilité des bénévoles avec celle des fonctionnaires ou des militaires. Et à trop solliciter les bénévoles, on risque d’affaiblir leur motivation à plus ou moins long terme.” Il est vrai que pour nombre de secouristes, aussi motivés soient-ils, l’enseignement des gestes qui sauvent n’est pas l’activité la plus attractive de leur champ d’action.
Une double contrainte économique
L’effet ciseau. C’est ainsi que Joël Prieur décrit le phénomène auquel sont également confrontées les associations entre les augmentations régulières du coût supporté dans l’organisation des formations qui requièrent des matériels normés toujours plus onéreux ; et la baisse des recettes générées par les Dispositifs prévisionnnels de secours (DPS). Explication avancée ? Un marché très concurrentiel qui aurait tendance à tirer les prix vers le bas.
Il y a un détournement du PSC1
Le PSC1 serait également moins rémunérateur en raison d’une relative désaffection du public. “Le rapport Pelloux l’a souligné : 32 % de la population est formée au PSC1, contre 38 % il y a huit ans.” Difficile dans un tel contexte d’assumer de nouveaux investissements pour l’acquisition d’équipements utilisés en grand nombre lors d’initiations. “Ces formations courtes contribuent de surcroit à un vieillissement prématuré des lots de matériels.” Et si sur le papier, l’apprentissage des gestes qui sauvent devait constituer une porte d’entrée vers le PSC1, Joël Prieur constate plutôt le phénomène inverse. ” Il y a un détournement du PSC1 car nombre de personnes qui ont suivi les initiations, et reçu l’attestation, pensent à tort qu’elles ont obtenu leur brevet de secourisme. Résultat : elles ne vont pas se former au PSC1, ce qui a bien sûr un retentissement économique pour les associations. Il faut néanmoins encore attendre un ou deux ans pour vérifier si cette crainte est avérée”.
Il faudra sans nul doute pour les associations faire passer le message auprès des apprenants : les formations courtes ne se suffisent pas à elles mêmes, et ne sont qu’un hors d’oeuvre dans l’apprentissage du secourisme. Reste que les AASC ne seront pas seules. L’arrêté du 30 juin paru au Journal officiel le 16 septembre dernier prévoit que les services d’incendie et de secours, les organismes habilités, des professionnels de santé, mais également les formateurs sauveteurs secouristes du travail (SST) peuvent participer à cet effort de sensiblisation. Une répartition nécessaire pour que les gestes qui sauvent ne deviennent pas, pour les associations, un repas indigeste.
Pour accéder et télécharger à l’arrêté du 30 juin 2017, cliquer ici