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Victimes d’attentat : les clés de la sauvegarde

Depuis la loi de modernisation de la sécurité civile de 2004, les communes ont la responsabilité de la sauvegarde de leurs populations. Si certains risques sont prévisibles, certaines menaces comme l’attentat sont plus difficiles à anticiper. Le Général Vernoux livre ici les bonnes pratiques pour que les communes se préparent à faire face à la menace terroriste.

Par la loi de 2004, toute commune soumise à un PPRN (Plan de prévention des risques naturels) ou un PPRT (Plan de prévention des risques technologiques) doit se doter d’un dispositif communal de sauvegarde pour participer, dans la limite de ses compétences, à la prévention des catastrophes, afin de protéger la population et les biens, porter assistance aux sinistrés en complément des services régaliens principalement en charge des victimes ; puis en post urgence pour rétablir le plus rapidement possible une vie normale et assister les habitants dans leurs démarches administratives tout en organisant la solidarité locale. Toutes les communes sont invitées à se préparer de la sorte.

Je ne me prépare pas, je gémis déjà. Léonard De Vinci

Certaines communes (encore trop rares même si la situation évolue dans le bon sens) ont eu la sagesse de s’organiser et de se donner les moyens de faire face à tous types de catastrophe, grâce une planification ouverte et un dispositif opérationnel adaptable aux circonstances. Celles-là sont déjà en mesure de porter (dans leur domaine de la sauvegarde) assistance aux victimes d’un attentat.

Les clefs d’une préparation ouverte

La préparation passe par la planification : il s’agit de dépasser les risques « DDRM » (recensés dans le Document départemental sur les risques majeurs) pour se mettre en capacité de faire face aux risques imprévisibles. Certes, pour de nombreuses communes, l’inondation est le risque récurent. Pour d’autres en périmètre SEVESO ou radiologique, c’est le nuage toxique… Ces risques-là doivent naturellement faire l’objet d’une planification précise et d’un dispositif rodé et efficient. Néanmoins, il faut oser franchir le pas et se dire que personne n’est à l’abri d’un accident de transport de matière dangereuse même si la commune est protégée par un arrêté. De même, personne n’est à l’abri d’une chute d’aéronef (cf. accident de l’A320 de la Germanwings dans les Alpes). Personne n’est à l’abri d’un nuage toxique porté par les vents sur des centaines de kilomètres (cf. nuage nauséabond de Lubrizol parti de Rouen pour atteindre les côtes anglaises via Paris). Personne n’est malheureusement à l’abri d’un attentat. Il faut donc rendre le dispositif communal adaptable à tous les types de catastrophes.

Comme il n’est guère envisageable de planifier l’inimaginable, il est souhaitable que le responsable des actions communales (RAC) et les membres du PCC s’entrainent à établir (en situation de stress inhérent aux circonstances) des variantes de plans à partir de la bibliothèque des plans répondant aux risques récurrents. Ils seront alors des adeptes d’Eisenhower qui disait que l’important n’est pas les plans mais la capacité acquise en rédigeant les plans. En effet, tous les opérationnels le savent : le plan ne répond que très rarement aux circonstances. Les municipalités prudentes peuvent entrainer leur PCC sur la rédaction d’un plan avec scénario d’attentat. Si la municipalité a adopté la gestion de crise par tableau de bord, le volet « terrorisme » sera facile à intégrer. Il lui faudra néanmoins formater un tableau de bord « attentat ». Cette méthode est tout à fait adaptée à la conduite des opérations communales de sauvegarde par des élus n’étant pas formés à l’opérationnel comme les militaires, les pompiers, les forces de l’ordre, certains industriels… comme le souligne François Baroin, président de l’Association des maires de France (AMF) dans la préface de “Conduire les opérations communales de sauvegarde”.

La planification de circonstance  

Rédiger une annexe au Plan communal de sauvegarde (PCS) en amont de chaque grand évènement (fêtes votives, concerts, rassemblements de masse, feux d’artifices, etc.) Le volet terrorisme doit naturellement y être étudié, tant dans la mise en place d’un dispositif de protection (en liaison avec la Police-Gendarmerie), que dans le plan de circulation (axe de pénétration des secours et axe d’évacuation des victimes), l’implantation du Point de regroupement des moyens de police et des secours (PRM), des PMA (Poste médical avancé), sans oublier  les CAI (Centres d’accueil des impliqués constitué de non victimes évacuées en urgence…) Cette bonne pratique a pour mérite non négligeable de contrôler la validité du PCS et d’inciter les responsables et les intervenants à se réapproprier leurs fiches opérationnelles. 

Le poste de commandement communal (PCC)

Adopter l’organisation fonctionnelle en cellules opérationnelles : renseignement, anticipation, action, logistique, victimes et impliqués, communication. Cette organisation, qui permet une coordination aisée avec les centres opérationnels régaliens, est surtout plus apte à traiter des risques imprévus et grandes catastrophes que l’organisation de tous les jours (en services). Il faut le reconnaitre : l’organisation par services répond généralement bien aux risques récurrents et elle est facile à mettre en œuvre mais ses limites sont courtes. Un PCC, organisé en cellules opérationnelles permet, sans adaptation, de faire face à un attentat, surtout s’il détient le tableau de bord spécifique.

La réserve communale de sécurité civile (RCSC)

Elargir les missions de la RCSC en la transformant en RC (Réserve citoyenne) prenant en charge les attentats. En fait, il s’agit plus d’une appropriation de ce nouveau « risque » par les volontaires que de nouvelles missions. En effet, les missions généralement confiées à la réserve sont : la sensibilisation de la population, l’organisation de formations dans les écoles ou plus ouvertes à d’autres citoyens, l’organisation d’expositions, l’évacuation d’un quartier, la mise en place d’une circulation opérationnelle, la gestion des centres d’accueil, le soutien aux personnes fragiles et l’assistance post catastrophe. Ces missions persistent en cas d’attentat. Néanmoins, il sera utile de rédiger des additifs aux fiches reflexes et actions, de compléter les formations individuelles, d’organiser des entrainements avec les forces de l’ordre et les secours, et enfin de participer à un exercice de la préfecture afin de contrôler la planification et l’entrainement des intervenants. Ces formations et ces entrainements nouveaux ne sont pas à négliger. Même si les intervenants sont expérimentés, car la commune est soumise régulièrement à des catastrophes, il ne faut pas négliger l’aspect psychologique des interventions. Intervenir auprès de sinistrés d’une inondation, voire même d’une explosion, n’est pas intervenir sur des victimes d’attentat. De plus, l’organisation des services régaliens est différente. Les RETEX de Paris et de Nice ont mentionné cette différence.

Les centres d’accueil

La finalité de ces centres est la même quelle que soit la nature de la catastrophe. Seule adaptation à envisager : l’accueil. L’équipe (agents, association agréée ou réserve communale) devra adopter une approche appropriée au traumatisme subi par ceux qui viennent à la recherche d’un réconfort. Un rapprochement avec la Cellule d’urgence médico-psychologique (CUMP) départementale permettra d’acquérir de bonnes pratiques.

Etablissements scolaires et municipalités

Les établissements scolaires qui détenaient un PPMS de qualité n’ont eu aucune difficulté à inclure un volet attentat.

Il en sera de même pour les municipalités ayant une planification par tableau de bord et s’étant dotées d’un PCC en cellules opérationnelles. Une fois le volet «  attentats » étant pris en compte et intégré au PCS et décliné par fiches, il leur suffit de mettre en place pour les élus, agents et volontaires des formations et des entrainements. En fonction de l’environnement local, chaque municipalité devra peut-être se doter de quelques moyens techniques supplémentaires (prendre des conseils préalables auprès de la préfecture, des forces de sécurité et des services de secours).

Les municipalités qui ont négligé, à ce jour, la sauvegarde de leur population face aux risques naturels et technologiques et qui « se réveillent » pour faire face aux attentats ont l’occasion de réaliser d’emblée un dispositif global pouvant faire face aux catastrophes de toutes natures et seront en capacité de porter assistance aux victimes, sinistrés ou impliqués.

Général (2s) François VERNOUX

Fondateur du Pavillon Orange, label de la sauvegarde des populations

Pour en savoir plus : « Conduire les opérations communales de sauvegarde » Territorial Editions.

 

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