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IFRASEC : secours et sécurité main dans la main

Comment articuler secours et sécurité lors d’attaques terroristes ? Cette question a guidé la conférence organisée le 21 mars dernier par l’Institut français de sécurité civile (IFRASEC), en partenariat avec Sciences Po et la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF).

“Comment intervenir en zone d’exclusion lors d’une attaque terroriste alors que les assaillants n’ont pas été neutralisés ?” La question est posée en guise d’introduction par le député Sébastien Pietrasanta, rapporteur de la commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’Etat pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015 qui avait conduit à l’élaboration d’un rapport contenant plusieurs propositions. Une d’entre elles visait à mettre en place des colonnes d’extraction des victimes en zone d’exclusion composées de secouristes intervenant sous la protection des forces d’intervention. Cette proposition, finalement adoptée en juin 2016 via une note de doctrine remise à jour il y a quelques jours, est loin de faire l’unanimité.

En zone d’exclusion, les pompiers n’apportent aucune valeur ajoutée

 Quelle place pour les pompiers en colonne d’extraction ?

Médecin chef de la Brigade de recherche et d’intervention (BRI), le Pr Denis Safran ne décolère pas, totalement opposé qu’il est à l’incorporation de sapeurs-pompiers dans les colonnes d’assaut. “En zone d’exclusion, les pompiers n’apportent aucune valeur ajoutée. Les gestes d’extraction sont simples à réaliser, et les CRS sont formés à la réalisation de ces gestes. De plus, la présence de pompiers dans la colonne risque de générer des confusions dans un contexte opérationnel où tous les intervenants portent la même tenue de protection, et où il devient donc difficile de distinguer les forces d’intervention des forces de secours.” Une uniformité qui peut parfois brouiller le rôle et les missions de chacun. “Lors d’exercices, nous avons constaté que des membres des forces de police ne procédaient pas en priorité aux extractions de victimes, pensant à tort que cette mission était dévolue aux acteurs du secours.” Dès lors, la question s’impose d’elle même : comment articuler efficacement les forces de secours et de sécurité lors d’attaques terroristes ?  

Suite aux attentats du 13 novembre 2015, nous avons changé de référentiel et d’analyse

L’interopérabilité s’impose

A l’évidence, cette articulation ne va pas de soi, comme le souligne le Pr Safran. “Il est difficile de coordonner des acteurs issus de différents corps de métier qui n’ont pas la même culture.” Pour autant des progrès notables ont été faits en terme de commandement avec un Commandant des opérations de police (COP) ou de gendarmerie (COG) identifié. D’importantes avancées ont été constatées en matière d’interopérabilité, avec notamment la mise en place d’un langage commun entre les différents services rendue possible grâce à l’organisation d’exercices réguliers, comme ceux effectués entre la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et la BRI. Suite aux attentats du 13 novembre 2015, les services de secours et de sécurité ont fait évoluer leur mode de fonctionnement. “Nous avons changé de référentiel et d’analyse. Police, secours, médical : auparavant chacun intervenait de son côté. Le dispositif n’était pas assez réactif et adaptable pour répondre à des situations exceptionnelles, souligne le Pr Pierre Carli, médecin chef du SAMU de Paris. Aujourd’hui, la notion d’adaptabilité est essentielle car il n’y aura jamais un plan qui s’adaptera parfaitement au contexte d’une intervention hors norme. Des expériences ont été accumulées, il nous reste à les transmettre.”    

A l’avenir, les pompiers devront acquérir des éléments de culture policière dans la résilience 

Souplesse, agilité, adaptabilité et audace 

« Qui commande ? C’est le terrain ! » Manière de dire pour le Dr Alain Puidupin, adjoint du centre opérationnel des réceptions et de régulation des urgences sanitaires et sociales, que ce sont bien les acteurs du secours qui devront s’adapter aux différents scénarios possibles et imaginables avec l’objectif commun de limiter le nombre de victimes. “Les attentats ont changé nos façons de travailler. Nous sommes en train de créer une culture commune, annonce Ludovic Jacquinet, commissaire divisionnaire adjoint au conseiller doctrine défense à la police nationale. Il s’agit d’une véritable révolution conceptuelle à laquelle devront être formés les 150 000 nouveaux policiers à l’avenir afin d’intégrer la dimension inter-services devenue primordiale pour permettre aux services de secours d’intervenir au mieux.” Les pompiers s’adaptent également en conséquence. “Nous avons opéré des adaptations techniques et tactiques, insiste le Dr Patrick Hertgen, vice-président de la FNSPF. A l’avenir, nous devons acquérir des éléments de culture policière dans la résilience. L’autre piste d’amélioration concerne la stratégie sur la gestion des opérations de commandement. L’enjeu ? Avoir un commandement souple, agile, adaptable, désinhibé et audacieux.” 

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