ActusInterviewSecours MagSecours Mag en ligneWeb

Candidats à la présidentielle : quelles propositions ?

Secours Mag a interrogé les candidats à l’élection présidentielle sur leur vision du système de secours et d’urgence français. Six d’entre eux nous ont répondu. Anne Hidalgo, Valérie Pécresse, Yannick Jadot, Fabien Roussel, Nathalie Arthaud et Nicolas Dupont-Aignan livrent leur analyse. Comment améliorer la formation au secourisme du grand public, la prise en charge de l’arrêt cardio-respiratoire en pré-hospitalier, l’organisation des secours d’urgence pré-hospitaliers… Quelles sont leurs propositions concrètes à quelques semaines du scrutin ? Découvrez ici leurs réponses en exclusivité.

Malgré de nombreuses mesures prises en faveur de la formation au secourisme (initiations au secourisme pour tous les élèves au sortir du collège, formations au Gestes qui sauvent (GQS), sensibilisation à la sécurité routière au permis de conduire…) la France reste en retrait par rapport à d’autres pays. Comment améliorer encore la formation du grand public ? Reprendriez-vous à votre compte l’objectif fixé par le président de la République d’atteindre 80 % de la population formée aux gestes d’urgence ?

Anne Hidalgo : La définition d’objectifs n’a de sens que si la question des moyens concrets que l’on se  donne pour progresser est établie. La formation du grand public aux gestes d’urgence doit être une priorité. Je m’appuierai sur les écoles, les entreprises, les associations pour que l’ensemble de la population soit formée. D’autres pays y parviennent. Des dispositifs existent. Faut-il encore les mettre en œuvre. La loi du 3 juillet 2020 institue une journée de sensibilisation à la lutte contre l’arrêt cardiaque et aux gestes qui sauvent pour les salariés. Les actions d’enseignement et de formation en matière de secourisme doivent être massives et coordonnées à l’échelle territoriale, avec les acteurs de santé et les collectivités locales, qui sont des acteurs de premier plan. Ces dispositifs ont besoin d’être couplés à un plus grand volontarisme de la part de l’État, pour les faire connaitre, inciter et évaluer les actions mises en place.

Je m’appuierai sur les écoles, les entreprises, les associations pour que l’ensemble de la population soit formée.

Valérie Pécresse : Ce qui compte, c’est de nous donner les moyens d’atteindre concrètement un meilleur taux de formation de la population aux gestes qui sauvent. Seulement 20 % de la population française est formée aux gestes de premiers secours, loin derrière l’Allemagne, l’Autriche, la Norvège, ou encore le Danemark où de l’ordre de 80 % de la population connaît les gestes qui sauvent ! Cet écart reste considérable. Certains Français ne connaissent même pas les numéros d’urgence ! Il faut que tout le monde sache qu’avec une formation courte de deux heures, des vies peuvent être sauvées. Beaucoup de nos concitoyens pensent encore que le défibrillateur automatique est réservé aux professionnels, alors que pas du tout. En moyenne, les secours mettent 13 minutes à se rendre sur le lieu d’un accident. Or, lors d’un arrêt cardiaque, chaque minute sans intervention (massage cardiaque, défibrillateur automatisé externe) conduit à 10 % de chances de survie en moins. L’objectif fixé par Emmanuel Macron est un objectif de bon sens : on regrette qu’il n’ait pas été atteint pendant son quinquennat. Ce sont les associations de secouristes, les pompiers, les urgentistes qui réclament des avancées dans ce domaine depuis des années. Si les pays nordiques ont réussi à l’atteindre, nous le pouvons aussi.

Il faut que tout le monde sache qu’avec une formation courte de deux heures, des vies peuvent être sauvées.

Yannick Jadot : Le projet que je porte est celui d’une France solidaire, où nous veillons chacun à la sécurité des uns et des autres. Témoin d’une crise ou d’un accident, le citoyen est le premier maillon de la chaîne des secours. Il est le premier à déclencher l’alerte, à assister la victime. Le citoyen est aussi à la base de notre modèle français de sécurité civile, qui repose largement sur l’engagement volontaire. Il est donc impératif de redoubler d’efforts quant à la formation du plus grand nombre aux gestes d’urgence. Emmanuel Macron avait promis d’atteindre 80 % : nous sommes très loin du compte. Je maintiens cet objectif et promets de renforcer les dispositifs tout en s’inspirant de ce qui se fait ailleurs. La Norvège est à 95 %, l’Allemagne et l’Autriche à 80 %, c’est donc possible ! Je veux m’appuyer au maximum sur le milieu scolaire. Malgré l’obligation de formation aux premiers secours à l’école, il existe encore trop de décalage entre la loi et la réalité de son application. Les enseignants ne sont pas assez formés, les écoles manquent de ressources humaines, logistiques et financières. Il est nécessaire de pallier ces manques, de renforcer les partenariats avec les acteurs de la sécurité civile (sapeurs-pompiers, associations agréées), mais aussi de rassurer les équipes pédagogiques sur la simplicité des gestes et leur légitimité à les transmettre. Nous devons également redoubler d’effort pour former les parents, par exemple lors des séances de préparation à la naissance et à la parentalité. Les accidents de la vie courante sont aujourd’hui la première cause de décès chez les enfants de moins de 15 ans ! Nous pouvons faire mieux pour les éviter. Je veux aussi faire appel à l’innovation pour sensibiliser le plus grand nombre aux gestes qui sauvent, par exemple avec les serious games, qui sont des jeux vidéo pédagogiques.

Malgré l’obligation de formation aux premiers secours à l’école, il existe encore trop de décalage entre la loi et la réalité de son application.

Fabien Roussel : Puisqu’il ne faut pas changer en permanence d’objectif, gardons celui de 80 %, déjà fixé lors du précédent quinquennat qui est ambitieux mais juste. L’idée est de bâtir un parcours de formation aux premiers secours tout au long de la vie. L’initiation au secourisme au collège en fait partie, mais il faut consolider et perfectionner ces connaissances en « instaurant de façon systématique un parcours continu de formation dans le temps de la scolarité et dans les programmes de l’Éducation nationale » (rapport Pelloux-Faure 2016). Par ailleurs, en plus de l’apprentissage des gestes qui sauvent, qu’il faut intensifier, il s’agit de former à la prévention et secours civiques de niveau 1 (PSC1) durant la scolarité et après la scolarité. La question est de rendre à terme obligatoire cette formation de sept heures pour chaque salarié, son coût est de 60 à 70 euros. Avant d’en arriver là, et par souci d’efficacité, il faut commencer par former les professionnels en lien avec la petite enfance et le grand âge. Mais également les entreprises à taux élevés d’accident du travail.

En plus de l’apprentissage des gestes qui sauvent (…) il faut former à la prévention et secours civiques de niveau 1 (PSC1) durant la scolarité et après la scolarité. La question est de rendre à terme obligatoire cette formation de sept heures pour chaque salarié.

Nathalie Arthaud : Les secours à la personne demandent une participation active de toute la société. Il est largement démontré, par exemple, que le massage cardiaque précoce par les témoins d’un arrêt cardiaque permet de sauver bien des victimes. Les premiers soins devraient être appris dès l’enfance, comme on apprend à lire et à écrire. Le secourisme devrait être enseigné gratuitement tout au long de la scolarité, et dans les entreprises à tous ceux qui le souhaitent.

Le secourisme devrait être enseigné gratuitement tout au long de la scolarité, et dans les entreprises à tous ceux qui le souhaitent.

Nicolas Dupont-Aignan : Je suis favorable à l’apprentissage aux cinq gestes qui sauvent dès les classes primaires et, par ailleurs, à l’encouragement aux diplômes d’AFPS (Attestation de formation aux premiers secours) pour tous les adolescents avec un système de bourse, comme pour le BAFA. Ces formations devraient être dispensées par la Croix-Rouge française.

Je suis favorable à l’apprentissage aux cinq gestes qui sauvent dès les classes primaires…

La France est en retard concernant la prise en charge de l’arrêt cardio-respiratoire (ACR) pré-hospitalier avec un taux de survie autour de 5 %, malgré l’ouverture du marché de la défibrillation et l’installation de nombreux défibrillateurs dans l’espace public ces dernières années. Quelles mesures adopter pour améliorer ce problème de santé publique ?

Anne Hidalgo : Le statut de citoyen sauveteur, pour lutter contre l’arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent, créé par la loi du 3 juillet 2020 est un bon moyen pour lutter contre cette situation inacceptable. Le statut a pour objet d’atténuer la responsabilité pénale du citoyen sauveteur lors de son intervention. Cette mesure est utile pour favoriser l’interventionnisme des citoyens face à ces situations. On peut regretter que ce statut soit méconnu. Concernant le maillage territorial de l’installation des défibrillateurs dans l’espace public, celui-ci gagnerait à faire l’objet d’un réel plan d’équipement intégré dans les schémas régionaux de santé. Notre réponse doit être établie au plus près du terrain, après consultation des collectivités concernées, à savoir les départements et les communes.

Le maillage territorial de l’installation des défibrillateurs dans l’espace public (…) gagnerait à faire l’objet d’un réel plan d’équipement intégré dans les schémas régionaux de santé.

Valérie Pécresse : En France, le taux de survie est de l’ordre de 5 % alors qu’il atteint jusqu’à 40 % dans les pays anglo-saxons et scandinaves ! En cause, le manque cruel d’informations sur les gestes qui sauvent. Il y a urgence à former les citoyens et à mettre à disposition des défibrillateurs. Selon la Croix-Rouge, 10 000 vies pourraient être sauvées chaque année en France si 20 % de personnes en plus étaient formées aux bons gestes. Il est donc primordial d’œuvrer à la formation du grand public pour atteindre un maximum de citoyens formés et favoriser l’implication des citoyens sauveteurs en avant-coureur des secours. L’initiation aux gestes de premiers secours proposées lors des Journées de Défense et Citoyenneté n’est pas suffisante pour assurer une bonne prise en charge de ces situations d’urgence. Nous devons former le citoyen tout au long de sa vie à travers différents leviers :

  • Délivrer une formation obligatoire et certificative au secourisme (le certificat de “Prévention et secours civiques” PSC1) aux collèges et lycées et intégrer l’apprentissage des gestes de premiers secours aux programmes scolaires.
  • Inciter chaque entreprise à proposer des sessions courtes de 2 heures de formation, afin d’initier les salariés aux gestes qui sauvent.
  • Ajouter à la formation du BAFA une formation PSC1 obligatoire.
  • Pour protéger les sportifs, inscrire la formation obligatoire PSC 1 dans les programmes de formateur, d’éducateur, d’entraîneur et d’arbitre sportif.
  • En lien avec Pôle emploi, proposer des formations PSC1 afin de former les futurs salariés aux gestes de premiers secours et de les valoriser en ce sens.
  • Proposer une formation PSC1 pour l’ensemble de la fonction publique.
  • Rendre obligatoire une formation PSC1 pour les professions et métiers en lien avec des personnes âgées.
  • Valoriser le statut du SST, le salarié sauveteur secouriste. Ce salarié est formé régulièrement et devient le “référent premier secours” de son entreprise. Il peut porter les premiers secours à toute victime d’un accident du travail, ou d’un malaise, tout en travaillant à la prévention de son entreprise.

Il y a urgence à former les citoyens et à mettre à disposition des défibrillateurs.

Yannick Jadot : En cas d’arrêt cardiaque, la défibrillation pratiquée dans les premières minutes augmente considérablement les chances de survie. Je veux que nous poursuivions l’installation de défibrillateurs automatisés externes (DAE) dans l’espace public et veiller à leur bonne maintenance. Néanmoins, l’achat massif d’appareils ne suffit pas, et trop de freins entravent leur utilisation. Dans 60 à 70 % des cas, les accidents cardiaques ont lieu devant un témoin. Mais seulement 1 % d’entre eux font usage d’un défibrillateur ! L’enjeu est clair. Nous ne pouvons faire l’économie d’une vaste campagne de formation de nos concitoyens aux
premiers secours : d’une part pour accroître les capacités à reconnaître l’arrêt cardiaque et à débuter la réanimation, d’autre part pour intégrer la défibrillation dans les pratiques citoyennes. Faut-il encore que chacun puisse avoir rapidement accès à un équipement fonctionnel ! Or, la répartition territoriale des DAE reste trop disparate, et certains départements sont largement sous-dotés. Un autre frein est celui de la réglementation autour des obligations d’installation et de maintenance des appareils, encore trop floue. Bien souvent, le fabricant, le distributeur et la société chargée de la maintenance sont distincts, ce qui complexifie la traçabilité des appareils et le suivi de leur état de fonctionnement. En 2020, c’était ainsi 20 à 30 % des appareils qui n’étaient pas en état de marche en raison d’un défaut de maintenance. C’est inacceptable ! Pour lutter efficacement contre le fléau des accidents cardio-respiratoires, nous devons donc redoubler de moyens, à la fois humains et matériels, et éclaircir la législation en vigueur. Là encore, l’innovation peut aussi servir. Je pense notamment à des applications comme Staying Alive qui permettent de localiser facilement les défibrillateurs. Des données qui pourraient être intégrées à d’autres applications smartphone plus courantes de cartographie.

La répartition territoriale des DAE reste trop disparate, et certains départements sont largement sous-dotés. Un autre frein est celui de la réglementation autour des obligations d’installation et de maintenance des appareils, encore trop floue.

Fabien Roussel : Le taux de survie de 5 % à 30 jours après un arrêt cardiaque pré-hospitalier est sensiblement le même en France que dans les autres pays économiquement développés. Cependant, il est fondamental de noter qu’il monte à environ 10 % en cas de gestes de premiers secours immédiats. L’installation de défibrillateurs semi automatiques (DSA) dans les lieux publics est une condition nécessaire à l’augmentation du taux de survie en cas d’ACR. Il faut poursuivre cette politique. Mais ce n’est pas une condition suffisante, si une personne sans formation reste les bras ballants devant un DSA. Il s’agit donc bien de conditions cumulatives pour être efficaces. Et même si nous réunissons les deux conditions, il reste ensuite l’étape de la réanimation spécialisée par les équipes de SMUR, toute autant déterminante dans le pronostic. Et s’il faut aller jusqu’au bout de la question, la disponibilité rapide d’une coronarographie, d’une réanimation, ou d’une Unité de soins intensifs cardiologique (USIC) complète la chaîne de prise en charge optimum. Or la situation est plutôt en voie de dégradation. Une insuffisance persistante de formation du grand public aux gestes de premiers secours, une dégradation du maillage des secours spécialisés avec la diminution des équipes de SMUR dans de nombreux territoires, et la diminution globale de l’offre de soin public qui sature les services d‘urgence et d’aval. Au-delà de la formation grand public déjà évoquée, il s’agit donc de renforcer l’hôpital public qui assure l’essentiel des urgences vitales. Il faut un grand plan de formation et d’emploi, projet qui a vu le jour en lien avec les professionnels, entre autres à l’occasion du tour de France des hôpitaux des parlementaires communistes. Il faut également un plan d’investissement pluriannuel couvrant le quinquennat afin de répondre à l’obsolescence et à la vétusté d’une partie importante du parc hospitalier français.

La situation est plutôt en voie de dégradation. Une insuffisance persistante de formation du grand public aux gestes de premiers secours, une dégradation du maillage des secours spécialisés (…) et la diminution globale de l’offre de soin public qui sature les services d‘urgence et d’aval.

Nathalie Arthaud : Des défibrillateurs devraient être installés dans tous les lieux scolaires, toutes les facultés, toutes les entreprises, tous les lieux publics. Ils devraient exister bien sûr en priorité dans tous les hôpitaux et tous les centres de santé. Quant à la voie publique, pourquoi ne pas en installer dans chaque pharmacie ? Et surtout, que l’on ne vienne pas mettre en avant les budgets insuffisants. La santé, les premiers secours n’ont pas de prix !

Des défibrillateurs devraient être installés dans tous les lieux scolaires, toutes les entreprises, tous les lieux publics.

Nicolas Dupont-Aignan : Malgré la loi du 29 juin 2018, qui oblige les établissements recevant du public (capacité 300 personnes), à être équipés de défibrillateurs automatisés externes, notre équipement dans ce domaine est encore bien insuffisant par rapport à nos voisins, notamment d’Europe du Nord. C’est ce qui explique d’ailleurs que le taux de survie en France des personnes victimes d’un arrêt cardiaque, est inférieur à 10 % ! Je suis favorable à l’augmentation de l’équipement de ces DAE, notamment en abaissant le seuil obligatoire de 300 personnes.

Malgré la loi du 29 juin 2018, qui oblige les établissements recevant du public (capacité 300 personnes), à être équipés de défibrillateurs automatisés externes, notre équipement dans ce domaine est encore bien insuffisant…

Quel regard portez-vous sur l’organisation française des secours d’urgence pré-hospitaliers ? Vous semble-t-elle efficiente ? La dichotomie entre les acteurs de la sécurité civile (Pompiers, associations agréées de sécurité civile) et ceux de la Santé portée par deux ministères différents (Intérieur et Santé) peut-elle être transformée pour atteindre une gouvernance partagée, voire unique ?

Anne Hidalgo : Il faut mettre plus de cohérence et d’actions coordonnées sur le pré-hospitalier, en particulier la régulation, le déploiement de défibrillateurs, et la formation des professionnels et du grand public. Je demanderai au gouvernement de réunir les acteurs de la chaîne de secours et des représentants des usagers et des citoyens pour identifier par la concertation les transformations à faire dans l’organisation des secours. L’intérêt général et les résultats à atteindre doivent collectivement nous guider.

Il faut mettre plus de cohérence et d’actions coordonnées sur le pré-hospitalier, en particulier la régulation, le déploiement de défibrillateurs, et la formation des professionnels et du grand public.

Valérie Pécresse : La France compte actuellement 14 numéros d’urgence et même si les échanges entre les différents acteurs du secours et de santé sont nombreux et efficaces sur l’urgence vitale  (80 % des appels reçus au numéro 18 font l’objet d’un traitement commun avec les SAMU tandis que 70 % des appels d’urgence (15-18-112) relèvent de la santé), l’adoption unanime en novembre dernier de la proposition de loi visant à expérimenter trois modes d’organisation pour optimiser l’accès aux soins urgents et non programmés et vers une meilleure coopération entre secours, médecine d’urgence et médecine générale, est indispensable à la bonne orientation du patient dans le parcours de soins. Pour la pleine réussite de ce modèle, nous devons maintenant travailler à l’association de tous les acteurs (sécurité civile, services de santé, associations) à ce projet. La prochaine étape consistera à garantir le partage de données en temps réel entre les acteurs de la sécurité civile, et notamment les pompiers qui reçoivent chaque année plus de 18 millions d’appels d’urgence, et les services de santé comme le SAMU qui reçoivent 32 millions d’appels par an, pour tendre vers une meilleure coordination des moyens de secours et de soins, afin de garantir une réponse santé rapide et adaptée en tout point du territoire. 

La prochaine étape consistera à garantir le partage de données en temps réel entre les acteurs de la sécurité civile, et notamment les pompiers qui reçoivent chaque année plus de 18 millions d’appels d’urgence, et les services de santé comme le SAMU qui reçoivent 32 millions d’appels par an, pour tendre vers une meilleure coordination des moyens de secours et de soins…

Yannick Jadot : Je veux une France qui prend soin de toutes celles et ceux qui nous protègent, et qui leur donne les moyens d’exprimer leur sens de la solidarité. Le rôle des sapeurs-pompiers n’est pas de pallier les insuffisances d’un système de santé affaibli. Or, aujourd’hui, face à la multiplication des déserts médicaux, le champ d’intervention des urgentistes s’est considérablement restructuré. L’augmentation du nombre de sollicitations et l’allongement des délais d’acheminement se sont traduits par un alourdissement du coût matériel et humain, et une perte de sens pour les professionnels et volontaires. Aussi, cette situation détourne nos sapeurs-pompiers des urgences absolues. Quand plus de 80 % de leurs missions sont consacrées au secours à la personne, c’est moins de temps pour prendre en charge les catastrophes, les incendies. En théorie, les compétences sont bien définies, et les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) dont dépendent les sapeurs-pompiers n’interviennent que lorsque la dimension médicale de l’intervention est peu importante, ou bien en renfort des SAMU. Dans les faits, les frontières sont plus perméables et détournent les professionnels et volontaires de leurs missions d’origine, faisant perdre en efficacité l’ensemble du système de secours et de soin. C’est pourquoi il est nécessaire de réaffirmer les rôles des uns et des autres en matière de secours à la personne, et d’opérer une réorganisation profonde de notre mode de gouvernance. Pour cela, nous devons passer d’une logique de silos, entre d’une part les compétences du ministère de la Santé, de l’autre celle du ministère de l’Intérieur, à un modèle d’action publique décloisonné, coordonné. Concrètement, cela se traduit par le renforcement du travail interministériel, qui nous permettra de coordonner les services d’urgence pré-hospitaliers et de mieux flécher les moyens. Il s’agit également de donner à la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) les moyens de ses ambitions, afin qu’elle devienne pleinement opérationnelle dans l’animation et la planification des actions de secours. A l’échelon local, les discussions doivent se poursuivre entre services départementaux, ARS, assurance maladie, représentants des professionnels de santé et de la sécurité civile, élus, etc. C’est par ce travail en commun que nous assurerons une conduite opérationnelle et coordonnée des secours à la personne et de l’aide médicale d’urgence partout sur le territoire.

Il est nécessaire de réaffirmer les rôles (…) en matière de secours à la personne, et d’opérer une réorganisation profonde de notre mode de gouvernance. Pour cela, nous devons passer d’une logique de silos, entre d’une part les compétences du ministère de la Santé, de l’autre celle du ministère de l’Intérieur, à un modèle d’action publique décloisonné, coordonné.

Fabien Roussel : L’organisation française des secours est tout d’abord indissociable du maillage de la médecine de ville, l’effilochement de celui-ci avec l’apparition de déserts médicaux entraîne une sur sollicitation des secours. De même, le sous encadrement et la sous médicalisation des Ehpad impactent les premiers secours. La baisse d’efficience de nos premiers secours est tout d’abord causée par l’insuffisance de leurs moyens. On l’a déjà évoqué avec les urgences et les SMUR, mais on peut faire de même avec les pompiers. Quant à la gestion par deux ministères différents, si elle n’est pas le principal problème, elle devrait néanmoins être repensée, par exemple avec la création d’une commission interministérielle permanente, animée par un ou une secrétaire d’état à l’organisation des secours, mais cela doit faire l’objet d’une discussion préalable avec les acteurs des premiers secours et du soin. Le dialogue est en effet insuffisant, et nous avons assisté à des différends sérieux entre pompiers et Samu sur la question du centre d’appel unique, ou du remboursement des transports pompiers non médicalisés qui mériteraient des choix clairs en amont. Les pompiers défendent le numéro unique, plus simple, et sa prise en charge par leurs soins laissant le seul rôle de régulateur médical aux Samu. De son côté, le Samu fait valoir le lien déterminant avec l’hôpital, ce qui s’est en effet particulièrement confirmé avec la crise Covid. Mais, là encore, mesurons que les différends avaient des fondements budgétaires bien réels et qu’on réfléchit mieux quand on n’est pas pris financièrement à la gorge.

La baisse d’efficience de nos premiers secours est tout d’abord causée par l’insuffisance de leurs moyens.

Nathalie Arthaud : L’organisation française des secours est complexe et comporte de nombreux intervenants : pompiers professionnels et volontaires, secouristes associatifs, ambulances privées, SAMU, médecins libéraux, services d’urgence publique ou privé… Son efficacité tient avant tout au dévouement de tous ceux qui y travaillent. Mais elle souffre des mêmes maux que bien d’autres secteurs de la santé. Je suis favorable à un « pilotage unique et cohérent » axé sur la qualité des soins et l’amélioration des conditions de travail, et non pas la recherche du profit des uns ou des autres. Les secours doivent être « pilotés » par ceux qui y travaillent, qui sont les mieux placés pour apprécier leurs besoins. Le problème pour l’heure ce sont les fermetures d’hôpitaux, de services d’urgence et de lits d’hospitalisation, causées par une politique criminelle menée par tous les gouvernements successifs. Tout cela impacte fortement les services de secours qui voient leur trajet s’allonger, doivent attendre dehors avec leur patient qu’une place se libère, ou le déposer sur un brancard dans un service d’urgence débordé. Il faut embaucher dans tous les secteurs de la santé. Il faut demander aux travailleurs des différents secteurs d’évaluer leurs besoins humains et matériels, et tout faire pour les satisfaire. Une autre caractéristique des services de secours est de reposer en partie sur l’activité de bénévoles ou de volontaires. Il est remarquable que certains aient cette activité en plus de leur travail. Cela prouve que la solidarité et l’altruisme sont des valeurs encore largement partagées dans la population.

Je suis favorable à un « pilotage unique et cohérent » axé sur la qualité des soins et l’amélioration des conditions de travail, et non pas la recherche du profit des uns ou des autres.

Nicolas Dupont-Aignan : Pour plus d’efficacité et de simplicité, je préconise la mise en place d’un numéro d’urgence unique. Charge à la plateforme de régulation de répartir ensuite les patients selon leur lieu de résidence, leur pathologie et la gravité de leur état, vers les interlocuteurs les plus qualifiés.

Pour plus d’efficacité et de simplicité, je préconise la mise en place d’un numéro d’urgence unique.

Si vous êtes élu(e), quelles seraient vos mesures phares pour le secours, les soins d’urgence et la prévention ?

Anne Hidalgo : Sur l’ensemble des questions relatives à notre système de santé ce que je propose c’est une méthode. La politique de santé ne sera plus guidée par la maîtrise comptable des dépenses, qui a affaibli notre système de santé. Je transformerai son financement en fondant l’évolution des dépenses sur des objectifs nationaux de santé publique. Par ailleurs, et précisément sur le sujet des soins de première urgence et du secours, je veux une articulation cohérente entre les différents acteurs et une plus grande territorialisation. Cela commence par la concertation, par les besoins de terrain. Réunir les parties prenantes pour comprendre les enjeux est primordial pour définir une politique publique efficace, qui réponde à notre retard.

Sur le sujet des soins de première urgence et du secours, je veux une articulation cohérente entre les différents acteurs et une plus grande territorialisation. Cela commence par la concertation, par les besoins de terrain. Réunir les parties prenantes pour comprendre les enjeux est primordial pour définir une politique publique efficace, qui réponde à notre retard.

Valérie Pécresse : En Norvège, où plus de 90 % de la population est capable de prodiguer les gestes de premiers secours, on apprend à sauver des vies dès l’entrée en classe. Chaque enseignant a reçu une formation qu’il dispense à ses élèves, encadrés par une équipe de secouristes. Inscrit dans les programmes scolaires, les bases de la réanimation cardio-pulmonaire et l’utilisation d’un défibrillateur sont des enseignements obligatoires. Lors de la préparation au permis de conduire, les Norvégiens doivent suivre une formation de 4 heures pour réactualiser leurs connaissances en matière de secourisme. Les entreprises dispensent également des cours à leurs employés. Les résultats norvégiens sont là. Nous devons former les Français tout au long de leur vie, dès l’enfance, continuer à l’adolescence et à l’âge adulte. C’est pourquoi chaque élève devrait suivre une formation de “prévention et secours civiques”. L’apprentissage des gestes de premiers secours sera intégré aux programmes scolaires et les élèves recevront un certificat attestant de leur suivi de la formation. Nous devons également cibler les professions qui ont le plus besoin de ces formations, notamment les personnes âgées et les sportifs. Chaque année 800 sportifs décèdent des suites d’un arrêt cardiaque : il est donc primordial d’inscrire la formation obligatoire PSC 1 dans les programmes d’éducateur, d’entraîneur et d’arbitre sportif. Nous pouvons aussi miser sur l’innovation : par exemple, en Suède, des drones larguant des défibrillateurs ont été testés. Ils sont systématiquement arrivés avant les soignants. De nombreuses applications permettent déjà d’identifier les défibrillateurs à proximité, et de géolocaliser des citoyens-sauveteurs formés aux gestes de premiers secours.

Nous devons former les Français tout au long de leur vie, dès l’enfance, continuer à l’adolescence et à l’âge adulte.

Yannick Jadot : Tout d’abord, je veux donner aux actions de prévention une place centrale afin de réduire le nombre d’accidents de la vie courante et prévenir les pathologies. En déployant, par exemple, un plan de lutte contre la malnutrition, qui sensibilisera dès le plus jeune âge à l’importance d’une alimentation saine et préviendra les maladies chroniques, comme l’obésité. Nous mettrons tout en œuvre pour mettre fin aux expositions environnementales qui altèrent notre santé, en éradiquant les substances nocives que sont les pesticides, les perturbateurs endocriniens et en luttant contre la pollution de l’air. Nous investirons massivement dans la rénovation des logements pour lutter contre la précarité énergétique liée au froid et à l’humidité, mais aussi en été contre les canicules qui touchent notamment nos aînés. Nous devons aussi augmenter notre niveau de résilience pour anticiper et faire face aux nouvelles menaces : vieillissement de la population, explosion des maladies chroniques, évènements météorologiques extrêmes. Nous devons agir avec urgence pour renforcer notre modèle de sécurité civile et mieux former nos concitoyens aux bons comportements à adopter. En cas de canicule par exemple, nous mettrons en œuvre un plan d’action et de communication plus pragmatique en luttant contre l’isolement social en amont, et en mettant en place des dispositifs de protection spécifiques dans les espaces collectifs (Ehpad, crèches, entreprises, etc.). Aussi et surtout, nous porterons tous nos efforts sur le renforcement de notre offre de soins pour lutter contre les inégalités croissantes d’accès à la santé et la désertification médicale. Il est inadmissible que, sur certains territoires, les derniers secours soient devenus les premiers recours ! Enfin, il s’agira de renforcer notre capacité à distribuer les soins d’urgence. Nous anticiperons les prochaines crises sanitaires via l’embauche et la formation de personnel hospitalier, une revalorisation des salaires du personnel soignant, ainsi que l’arrêt des suppressions de lits ou des fermetures d’hôpitaux.

Je veux donner aux actions de prévention une place centrale afin de réduire le nombre d’accidents de la vie courante et prévenir les pathologies.

Fabien Roussel : Voter dès l’été un premier plan massif d’investissements, de créations d’emplois et de revalorisation des salaires et des carrières dans l’hôpital public et les Ehpad (pour aller à terme vers 100 000 embauches dans l’hôpital public et 300 000 sur trois ans dans les Ehpad). Ce nouveau cap doit se voir prolongé dans la loi de financement de la Sécurité Sociale à l’automne 2022, avec 10 milliards supplémentaires pour l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) hospitalier. Il faut mettre en place un plan de formation médical et paramédical pour se doter des professionnels formés dont nous avons besoin (toujours pas fait en deux ans de crise Covid). Conventionner, au niveau de l’Etat, les associations de formation aux premiers secours, dans le cadre d’un plan d’éducation aux gestes qui sauvent, tout d’abord dans les métiers prioritaires et les services publics. Et entamer une concertation avec les acteurs des premiers secours et de l’urgence sur l’organisation de leur gouvernance.

Voter dès l’été un premier plan massif d’investissements, de créations d’emplois et de revalorisation des salaires et des carrières dans l’hôpital public et les Ehpad…

Nathalie Arthaud : Je ne serai pas élue et ma candidature ne vise pas à proposer un programme de gouvernement. Mais des mesures sont nécessaires, de toute urgence. Le manque de personnel est criant, de ce fait la charge de travail a été accrue, les horaires de travail, de transport sont devenus insoutenables. Il faut soulager ceux qui ont un emploi en diminuant leur temps de travail et en créant des emplois. Par ailleurs, je suis pour la gratuité des soins. La gratuité des secours n’est déjà plus une réalité. Certaines interventions des pompiers sont payantes, les médecins et les urgences sont payants – remboursés pour les assurés sociaux mais pas gratuits – les ambulances privées sont payantes. C’est anormal. Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2022, un « forfait unique patients » de 19 euros est à payer pour tout passage aux urgences non suivi d’une hospitalisation, sans remboursement par la Sécurité sociale. Le gouvernement prétend qu’il ne s’agit que d’une simplification, les patients étant auparavant déjà soumis au tiers payant. Or le projet de loi de financement de la Sécurité sociale de 2022 estime le gain permis par cette réforme à 35 millions d’euros. Et le ministère de la Santé espère aussi que la mesure dissuadera certains de venir aux urgences. Il s’agit bien d’un coup, un de plus, contre les démunis et leur santé. Il faut une gratuité complète des soins d’urgence. Pour imposer ces mesures indispensables, il est illusoire de s’en remettre au bon vouloir d’un gouvernement. Les travailleurs dans leur ensemble, et ceux des secours pour ce qui les concerne, n’amélioreront leur sort que par leur mobilisation.

Il faut une gratuité complète des soins d’urgence.

Nicolas Dupont-Aignan : Si je suis élu, je veillerai à ce que chaque département soit doté d’un établissement hospitalier doté d’un service d’urgence, de chirurgie et de maternité. Concernant la prévention, il est urgent de rétablir la médecine du travail et la médecine scolaire, qui sont les deux organes qui nous permettaient de sensibiliser le plus large public de tous les âges, et par conséquent, de faire de l’éducation à la santé et de la prévention des affections latentes.

Si je suis élu, je veillerai à ce que chaque département soit doté d’un établissement hospitalier doté d’un service d’urgence, de chirurgie et de maternité.


En plus des six candidats qui ont répondu à nos questions, ont également été sollicités Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, Eric Zemmour et Emmanuel Macron.


 

 

 

 

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Share
X