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Secours associatifs : une crise peut en cacher une autre

Déjà fragilisées sur le plan économique avant la crise du coronavirus, certaines associations agréées de sécurité civile font état aujourd’hui de difficultés grandissantes et très inquiétantes pour l’avenir. Malgré une aide financière de la part de l’Etat, la deuxième vague de Covid-19 qui s’annonce risque de sonner le glas…

En mai dernier, la France se « déconfinait » progressivement. Les espoirs s’orientaient alors vers un retour progressif à la normale de la situation sanitaire. Mais aujourd’hui, il est désormais entendu que cet optimisme est vain tant les contaminations au SARS-Cov2 continuent à se multiplier. Le terme « deuxième vague », longtemps retenu, est maintenant sur toutes les lèvres, à commencer par celles du Premier ministre Jean Castex. Face à cette crise extraordinaire, l’ensemble de notre société a souffert, et les plus fragiles auront beaucoup de mal à s’en remettre.

Au sein de la communauté des acteurs du secours et des soins d’urgence, ce sont les associations agréées de sécurité civile (AASC) qui ont certainement payé le plus lourd tribut. Fragiles de par leur statut, leur économie, leur fonctionnement basé sur le bénévolat, nombre d’entre elles ont vu leur activité s’arrêter subitement pendant le confinement. Si la reprise estivale a offert une petite bouffée d’air, elle est largement insuffisante face à l’hypoxie engendrée par le confinement. Dans la conjoncture actuelle, la sphère bénévole du secours se prépare donc à remettre la tête sous l’eau, courant le risque de ne jamais refaire surface.

 

L’Etat à la rescousse

« Pour faire face aux difficultés engendrées par le Covid-19, l’Etat nous a garanti une aide pour survivre, témoigne le général Joël Prieur, administrateur du Conseil national de la protection civile (CNPC). Un dialogue bilatéral entre chaque AASC et la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) s’est instauré afin d’estimer le manque à gagner de chaque structure et leur verser une subvention. » Si certaines associations peuvent compter sur des rentrées financières variées (notamment via leurs activités à l’international ou dans le médicosocial) et bénéficient ainsi d’une résilience économique plus forte, d’autres ne vivent que par la formation (PSC1, PSE…) et les prestations liées aux dispositifs prévisionnels de secours (DPS). Autant dire que pour ces dernières, les montants engrangés sur les trois premiers trimestres de 2020 sont quasi-nuls.

« En fonction des associations et de leur implantation sur le territoire, les situations ont été très disparates suite à l’émergence du coronavirus, analyse Stéphane Voisin, président de la commission nationale opérationnelle de la Fédération française de sauvetage et de secourisme (FFSS). Celles qui étaient dans des clusters identifiés – comme dans l’est de la France, au nord de l’Oise ou en Ile-de-France – ont été rapidement impliquées dans la gestion de la crise. Les structures qui ont pu être conventionnées par les ARS ont obtenu des ressources financières pour effectuer leur travail. Ces ressources, à défaut d’être vraiment rémunératrices, ont permis quand même à ces associations de sortir la tête de l’eau. En revanche, celles qui n’étaient pas dans ces clusters, notamment les plus rurales, ont beaucoup souffert, car leur activité s’est brutalement arrêtée entre mars et juillet. » Pour ces dernières, l’inquiétude grandit…

 

Un geste insuffisant

Le dialogue instauré entre les structures associatives nationales et la DGSCGC a abouti récemment à l’octroi de subventions spéciales. Sur quels critères ces subventions ont-elles été établies ? Jusqu’à présent, nos questions sur ce sujet sont restées sans réponse. Mais force est de constater qu’un effort a été réalisé pour que les associations gardent un pied dans la course, puisque les premiers courriers informant les différentes fédérations du montant de leur subvention est arrivé récemment dans les boites aux lettres.

Si l’effort est à saluer, et il l’est de la part des associations, reste que le delta entre les pertes et le montant de la subvention reste gigantesque. « Le manque à gagner sur le plan national est estimé à 2,4 millions d’euros, annonce Jean-Luc Buccino président de l’Union nationale des associations de sauveteurs secouristes (UNASS). Nous avons reçu 22 000 euros du ministère. Ce n’est pas à la hauteur de nos espérances, mais c’est mieux que rien, d’autant plus que nous avons rarement des subventions de la part de l’Intérieur », temporise ce dernier. La FFSS, qui a estimé ses pertes à 6 millions d’euros, a reçu 90 000 euros de subvention. « C’est un geste du ministère de l’Intérieur que nous saluons, mais il est loin de couvrir les pertes que nous avons subies », affirme Stéphane Voisin.

La situation inquiète. L’Inspection générale de l’administration (IGA) a été saisie sur ce dossier, et les discussions bilatérales entre les associations et le ministère de l’Intérieur suivent leur cours. Beaucoup espèrent qu’ici aussi, une deuxième vague, mais cette fois de subventions, survienne.

 

De réelles inquiétudes

Déjà fragilisées économiquement (voir notre Dossier « Associations au bord du précipice », Secours Mag n°52), les AASC risquent aujourd’hui de voir certaines structures intégrer la longue liste des espèces en voies de disparition. C’est en tout cas ce que craignent nombre de cadres nationaux. « La situation est loin d’être revenue à la normale, s’inquiète Stéphane Voisin. S’il n’y a pas de reprise réelle d’ici la fin de l’année, la pérennité financière de certaines de nos associations sera totalement remise en question. » Une inquiétude corroborée par Joël Prieur, qui n’hésite pas à parler de « dépôt de bilan » pour grand nombre de structures.

Quelles solutions pourraient alors permettre à l’univers bénévole du secours de garder la tête hors de l’eau ? S’associer entre associations pour répondre à des missions communes ? Espérer un « plan de relance » pour les associatifs de la part du ministère de l’Intérieur ? Enquête à suivre dans Secours Mag n°59, à sortir le 17 novembre…

 

 

Un pour tous et tous pour un

Si la crise du Covid-19 a fait beaucoup de mal, certaines actions menées dans le cadre de sa gestion ont permis tout de même de progresser. Le rapprochement entre les associations agréées de sécurité civile en fait partie. En travaillant main dans la main pour répondre aux sollicitations de l’Etat, et de la population, les différents uniformes se sont mélangés à bien des reprises durant cet épisode sanitaire d’exception (gestion des moyens, transferts de malades, protection sanitaire des EPHAD…).
Ce rapprochement opérationnel a permis de fait l’instauration d’une complicité entre les AASC (même si toutes ne semblent pas vouloir jouer le jeu, à l’instar de la FNPC) qui permettra peut-être de porter un peu plus haut la voix associative des secours…
 

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