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Portrait #58 : Michel El Murr, 18 jours en enfer

Le lieutenant de sapeur-pompier Michel El Murr est au service de la population, sous l’uniforme des pompiers de Beyrouth, depuis 25 ans. Il a vécu la guerre au Liban, a suivi de nombreuses formations, a accueilli et accompagné des centaines de recrues avec un seul objectif : servir les autres. Le soir du 4 août 2020, il a découvert l’horreur d’une situation dépassant tout ce qu’il avait connu.

Rien ne destinait Michel El Murr à devenir pompier, à dédier sa vie aux autres. « Je voulais rentrer dans la Défense civile mais mon père n’était pas de cet avis. Une partie de bras de fer s’est jouée entre nous, alors j’ai choisi pompier », raconte Michel El Murr. Son père dirige une entreprise de soudure et de travail du fer forgé, rien à voir avec les aspirations du jeune Michel. A 18 ans, il s’engage comme sapeur-pompier. Aujourd’hui, 25 ans plus tard, Michel El Murr est lieutenant à la caserne Karantina de Beyrouth, référent NRBC et sauvetage maritime. « Durant ma carrière j’ai toujours eu à cœur de me former, de devenir meilleur pour remplir au mieux nos missions au service de la population. » Une soif d’apprendre qui pousse le Lieutenant El Murr à suivre une cinquantaine de formations dans différents domaines, dont certaines dans un cadre de coopération internationale. L’occasion de rencontrer d’autres professionnels, notamment français.

 

Tous pompiers

A 43 ans Michel El Murr, quoique célibataire, a une famille immense. « Les pompiers, c’est ma famille ! » Il vit dans l’enceinte de la caserne Karantina, dans le quartier éponyme de la ville. « Depuis trois ans je ne quitte pas le centre de secours et j’ai accompagné moi-même les 360 nouvelles recrues. » Le 4 août 2020, Michel se prépare pour un rendez-vous à l’extérieur, remettant à plus tard un match de volley-ball avec des collègues. « En traversant la cour pour récupérer ma voiture, un collègue m’a invité à jouer une partie mais j’ai dû décliner pour me rendre en ville, promettant d’en découdre à mon retour, se remémore-t-il. En arrivant, je vois passer l’ordre de départ pour une intervention au port. Quelques minutes plus tard, j’ai entendu l’explosion. » Michel El Murr se précipite à une fenêtre pour comprendre.

 

Un immense nuage

Il essaye de téléphoner au centre de coordination opérationnelle. En vain… Les lignes téléphoniques sont coupées. Grâce à un accès internet il réussit à joindre un adjudant-chef à la caserne. Les échanges sont confus. Il pense à cet instant que l’explosion a eu lieu à la caserne. Il saute dans son 4×4 pour rejoindre ses hommes. En traversant Beyrouth, c’est le chaos qui défile sous ses yeux anxieux : partout des vitres brisées, des habitants hagards. Mais, le pire est à venir. « Pour réussir à rejoindre la caserne j’ai dû rouler en dehors des routes, il y avait des voitures abandonnées partout. Quand je suis enfin arrivé, j’ai compris : la caserne n’avait pas explosé. Elle avait subi le souffle de plein fouet. Elle se situe à 500 mètres, à vol d’oiseau, du port.» Des pompiers manquent à l’appel. « En arrivant au port c’était effroyable, se remémore-t-il, il ne restait rien. L’objectif du lieutenant est de retrouver les pompiers disparus. Il ne se fait pas d’illusion quant à leur sort. Pendant 18 jours, avec le concours de l’Armée, de la Défense civile, d’ingénieurs et de la Croix-Rouge libanaise, les pompiers sondent les décombres. « J’ai vécu l’enfer pendant 18 jours, on a retrouvé des morceaux de corps, le châssis déchiqueté d’un camion incendie, mais on n’a pas baissé les bras. C’était pire que la guerre, tout était anéanti. »

 

 

 

© DR

“Depuis trois ans, je ne quitte pas le centre de secours et j’ai accompagné, moi-même, les 360 nouvelles recrues.”

 

Un autre regard 

Un souvenir marquant ?

En 1999, un raid qui a visé la centrale électrique de Jamhour, près de Beyrouth. La plupart des victimes étaient des membres de la Défense civile. Elles ont été blessées alors qu’elles luttaient contre l’immense incendie qui s’est déclaré dans la centrale électrique à la suite du bombardement.

Un autre métier ?

J’en ai essayé plusieurs, dans le bois, dans la pêche avec mon père, mais pompier c’est vraiment ce que je voulais faire.

Une maxime ?

Leave no man behind. (On n’abandonne personne).

 

 

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