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Cas clinique #51 : Péricardite aiguë sur maladie de Behçet, attention à la douleur thoracique

Le SMUR intervient dans un cabinet médical pour un syndrome coronarien aigu ST+ chez un patient suivi pour une maladie de Behçet.

Cet homme de 34 ans consulte son médecin traitant pour des épisodes de douleur thoracique depuis deux jours avec paresthésies de la main gauche. Traité par Colchicine pour une maladie de Behçet pauci-symptomatique, il a comme seul facteur de risque cardio-vasculaire un tabagisme à 10PA (1 paquet de cigarettes fumé par jour pendant 10 ans). Le praticien diagnostique un syndrome coronarien aigu ST+ à l’électrocardiogramme (ECG) et demande un transfert en salle de coronarographie en urgence. A l’arrivée du SMUR, le patient est apyrétique et présente un léger fond douloureux à type d’oppression thoracique non modifié à la palpation ou au changement de position. L’examen clinique et les constantes physiologiques sont normaux. Une relecture de l’ECG initial ne montre pas de trouble de repolarisation mais un sous-décalage du segment PR évoquant une péricardite. La prise de Trinitrine ne modifie ni la clinique ni l’ECG. Le patient est alors hospitalisé en service de cardiologie où le diagnostic de péricardite sèche sur maladie de Behçet est retenu.

 

Discussion du cas clinique

La maladie de Behçet (MB) est une vascularite multi-systémique d’origine inconnue évoluant par poussées inflammatoires aiguës récurrentes. Cette pathologie est rare en France (7 cas / 100 000) et se concentre principalement entre l’est de l’Asie et le pourtour méditerranéen avec une plus forte prévalence en Turquie (110-420 cas / 100 000) (1).

Son diagnostic repose sur un faisceau d’arguments cliniques prédominés par les lésions muco-cutanées (aphtose uni/bipolaire récidivante, érythèmes noueux, pseudo-folliculite, etc.), des atteintes poly-articulaires, oculaires (uvéites) (2).

D’autres organes peuvent être touchés comme le système nerveux central, les reins et plus rarement le cœur (3).

Les formes cardiaques de cette maladie inflammatoire multi-systémique sont estimées entre 7 et 46 % et traduisent souvent une aggravation du pronostic (4, 5). Les trois feuillets peuvent être touchés avec des myocardites, des endocardites valvulaires (souvent aortiques), des thrombus intra-cavitaires, des fibroses endo-myocardiques et même des atteintes coronariennes avec ou sans infarctus qui sont les plus sévères. Parfois inaugurale, l’atteinte péricardique est la plus fréquente (38 %) (4,5).

Le diagnostic de péricardite est principalement clinique avec une douleur thoracique modifiée par la position et la respiration. Un frottement péricardique signe un épanchement pleural qui sera visualisé à l’échocardiographie (6).

L’ECG montre fréquemment un sus-décalage du segment ST diffus, concave et sans miroir qui permet de faire la distinction avec une ischémie myocardique. Il peut s’observer un sous-décalage de l’intervalle P-R descendant et diffus qui est un signe précoce et spécifique (signe de Spodick) (7).

Des ondes T amples et diffuses sont aussi fréquemment retrouvées. Le traitement de la péricardite sur MB repose sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) (Ibuprofène) ou l’aspirine. Les corticoïdes représentent une alternative efficace (5). La Colchicine est utilisée en relais puis en traitement de fond, même si certains auteurs décrivent son association avec les AINS ou l’aspirine en traitement initial (8).

Au final, la péricardite représente 38 % des formes cardiaques de la MB. De pronostic favorable, elle peut être inaugurale comme accompagner les poussées de la maladie. Toute douleur thoracique chez un porteur de la MB doit donc faire évoquer le diagnostic de péricardite.

Dr Emeric Romary

 

© DR

Dr Emeric Romary

Médecin urgentiste militaire, le Dr Emeric Romary est médecin principal au groupement santé du Bataillon de marins-pompiers de Marseille (BMPM) depuis 2017. Référent médical de la section opérationnelle spécialisée aquatique (SOS AQUA), il a exercé de 2014 à 2017 comme médecin major du Groupe de plongeurs démineurs de la Méditerranée (GPDMED) basé à Toulon (83).

 

Face à une douleur thoracique

Ce qu’il ne faut pas faire

  • Méconnaître les atteintes cardiaques de la maladie de Behçet, dont la péricardite aiguë
  • Méconnaître les signes ECG de la péricardite pouvant faire évoquer un syndrome coronarien aigu.

Ce qu’il faut faire

  • Réaliser un ECG devant toute douleur thoracique même atypique
  • Savoir évoquer les formes cardiaques de la maladie de Behçet pour une prise en charge spécifique.

(Références)
(1) Kaklamani VG, Vaiopoulos G, Kaklamanis PG. Behçet’s Disease. Semin Arthritis Rheum. 1998 Feb;27(4):197–217.
(2) Criteria for diagnosis of Behçet’s disease. International Study Group for Behçet’s Disease. Lancet Lond Engl. 1990 May 5;335(8697):1078–80.
(3) Zouboulis CC. Epidemiology of Adamantiades-Behçet’s disease. Ann Med Interne (Paris). 1999 Oct;150(6):488–98.
(4) Geri G, Wechsler B, Thi Huong DL, Isnard R, Piette J-C, Amoura Z, et al. Spectrum of cardiac lesions in Behçet disease: a series of 52 patients and review of the literature. Medicine (Baltimore). 2012 Jan;91(1):25–34.
(5) Demirelli S, Degirmenci H, Inci S,
Arisoy A. Cardiac manifestations in Behcet’s disease. Intractable Rare Dis Res. 2015 May;4(2):70–5.
(6) Adler Y, Charron P, Imazio M. 2015 ESC Guidelines for the diagnosis and management of pericardial diseases. European Heart Journal. 2015 Nov;36(42):2921–2964.
(7) Tourdias D, Hostyn V. ECG précoce de péricardite aiguë : le signe de Spodick. Ann. Fr. Med. Urgence. 2014 Oct;4:126.
(8) Ben Gaied M, Krähenbühl J, Rey F, Daniel G. Péricardite aiguë. Rev Med Suisse. 2015 Oct;11:1835-1838.

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