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Cas clinique #47 : Prise en charge d’une intoxication au GHB, atypique mais de plus en plus banale !

Par une nuit de printemps, le Samu de Paris est engagé sur appel des pompiers sur un coma calme inexpliqué et d’apparition brutale. Aucune étiologie évidente ne ressort du premier examen clinique. Mais brutalement, le patient se réveille…

Un soir de printemps dans les rues de Paris, un jeune homme de 26 ans est retrouvé, l’air hagard. Les passants, interpellés, composent le 18 et les pompiers le prennent en charge. Initialement parfaitement conscient mais désorienté, l’homme perd conscience de manière brutale. Le score de Glasgow, initialement évalué à 15 tombe à 3 (Y1V1M1). Devant l’aggravation clinique du patient, le Samu de Paris est contacté et envoie une UMH. A notre arrivée, le jeune homme est dans le coma. Il ne réagit pas aux stimuli douloureux. L’examen clinique retrouve des pupilles intermédiaires réactives et un tonus mou. Il ne présente pas de manœuvres d’évitement ni d’haleine œnolique. Le reste de l’examen clinique est sans particularité. Son hémodynamique est stable, il ne présente pas de détresse respiratoire, et est apyrétique. Nous sommes face à un coma calme. Un électrocardiogramme est réalisé et ne retrouve aucune anomalie. Un gaz du sang en biologie délocalisée est réalisé et retrouve un pH à 7,36 pO2 à 120 mmHg en air ambiant, une pCO2 à 41 mmHg, un HCO3 à 24 mmol /l, un lactate à 2 mmol/l. Un ionogramme sanguin est également prélevé et retrouve une natrémie à 138 mmol/l et une kaliémie à 4,6 mmol/L. L’hypothèse à ce stade serait une intoxication ou une hémorragie intracérébrale. Nous prenons donc rapidement la décision d’intuber ce patient en coma sans étiologie évidente retrouvée, afin de protéger ses voies aériennes, avant de le transporter pour une imagerie neurologique. Alors que nous préparons le matériel pour l’intuber en séquence rapide par étomidate et celocurine, il reprend brutalement conscience, en « on-off », avec une présentation plutôt agitée. Très rapidement il se tranquillise et arrive à parler. Il nous explique alors avoir pris du GHB (…) dans le but de passer une soirée romantique avec son ami. Il ne présente toujours aucun signe de détresse. Nous décidons néanmoins de le transporter vers une unité de soins continus (USC) afin d’être surveillé durant la nuit. Le patient est sorti le lendemain matin de l’USC, après une nuit calme et des examens normaux.

 

© DR

Le patient a été transporté vers une unité de soins continus afin d’être surveillé durant la nuit.

 

DISCUSSION DU CAS CLINIQUE

Ce cas clinique nous rappelle que les intoxications sont toujours aussi fréquentes, qu’elles peuvent avoir une présentation atypique, et à surtout ne pas oublier l’usage récréatif des drogues. En effet, le GHB ou acide gamma-hydroxybutyrique est une drogue de synthèse, utilisée autrefois comme drogue anesthésiante de par ses propriétés sédatives. Il est surtout connu sous le nom de « drogue du violeur » utilisée pour ses propriétés amnésiantes, désinhibantes et euphorisantes. Mais de nos jours, il est de plus en plus utilisé dans un but festif avec prise volontaire. Il se présente sous forme de poudre blanche en capsules ou sous forme liquide dans de petites fioles. L’effet est souvent potentialisé par la prise d’autres toxiques, comme l’alcool, et ses effets indésirables sont multiples mais peuvent aller jusqu’au coma, comme dans le cas présenté ici, voire conduire à l’arrêt respiratoire.

Dr Alice Fontaine

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Dr Alice Fontaine

Praticien hospitalier contractuel (PHC) au SAMU de Paris depuis deux ans, Alice Fontaine a été en poste aux urgences de l’hôpital Bichat, et travaille désormais aux urgences de l’hôpital de la Croix Saint-Simon à Paris.

 

EN CAS DE SUSPISCION D’INTOXICATION

CE QU’IL FAUT FAIRE

  • Interroger l’entourage ou témoins si présents, chercher des contenants/seringues/tablettes évocateurs d’une prise de toxique
  • Bien examiner sur le plan neurologique le patient, se servir de la biologie délocalisée pour étayer ou réfuter les hypothèses diagnostiques.

CE QU’IL NE FAUT PAS FAIRE

  • Méconnaître les drogues et leurs usages ou dérivés, et ne pas évoquer l’hypothèse toxique devant un tableau clinique atypique
  • Oublier les effets secondaires retardés potentiellement graves, et discuter avec le régulateur d’un transport vers un soin intensif versus une structure d’urgence.

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