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Décès de Naomi Musenga : l’IGAS pointe de nombreux dysfonctionnements

Le 29 décembre 2017, Naomi Musenga appelle à deux reprises le SAMU de Strasbourg (67). La jeune femme de 22 ans décède après une prise en charge retardée. Remis le 20 juin dernier, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) met en évidence de nombreux dysfonctionnements.

De nombreux dysfonctionnements et des recommandations en conséquence… Le 29 décembre 2017, Naomi Musenga, appelle le 17. La jeune femme de 22 ans se plaint de très fortes douleurs abdominales. Son appel est transféré au 18 puis au 15 où une assistante de régulation médicale (ARM) du SAMU de Strasbourg prend en charge l’appel. Dans son rapport l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) juge “choquants” le ton et les propos employés par l’ARM. De plus, les “questions ne sont pas adaptées à la situation et l’appel n’est pas transmis au médecin régulateur du SAMU alors que le caractère médical de l’appel apparaît peu discutable”. Interrogée par la mission chargée d’élaborer le rapport, l’ARM explique s’être laissée influencer par la transmission réalisée par l’opératrice du CTA qui lui a d’emblée dit qu’il fallait que l’appelante contacte un médecin.

Selon les éléments d’évaluation, l’assistante de régulation est décrite comme “une professionnelle sérieuse et constante dans son action”. Néanmoins, lors de sa dernière évaluation, “elle avait exprimé une certaine lassitude sur sa fonction et s’interrogeait quant à une réorientation”. Le 29 décembre, l’ARM se trouvait à son deuxième jour consécutif de travail (de 7h30 à 19h30) et à son troisième jour de travail dans la semaine. Autre élément : l’analyse des plannings montre, ce jour là, un contexte de forte activité, mais des conditions normales d’organisation du service. S’agissant des effectifs, la plate-forme de régulation fonctionnait selon la procédure dégradée en raison de deux absences d’ARM, mais avec un effectif cible (trois ARM présents) conforme aux conditions habituelles de décroché. 

 

Un retard de prise en charge

Prise en charge par le SMUR puis au service de réanimation chirurgicale polyvalente à 16h46, Naomi Musenga décède à 17h30. Sa famille arrive dans le service de réanimation à 18h. Ses parents savent que leur fille a dû être hospitalisée en urgence. Un praticien hospitalier leur annonce alors le décès en salle de réanimation. Suite à cet épisode, le rapport préconise d’ailleurs de prévoir une salle dédiée pour que les membres du service de réanimation puissent recevoir les familles en de telles circonstances.
Au final, le rapport dresse de nombreux dysfonctionnements au sein du SAMU de Strasbourg. “Alors que tout appel à caractère médical devrait être régulé par un médecin, la procédure en vigueur permettait aux assistants de régulation médicale, dans certains cas, de traiter seuls ce type d’appels”, notamment dans les cas où l’ARM jugeait qu’il n’y avait pas d’urgence vitale “avérée ou potentielle ou de besoin de réponse médicale immédiate”. De fait la procédure de régulation entre l’ARM et la régulation médicale n’a pas été conforme aux recommandations de bonnes pratiques, et “le non respect de la procédure interne de la régulation par l’ARM, à deux reprises, a conduit à un retard de prise en charge adaptée de 2h19. De plus, le décès n’a pas donné lieu à la déclaration d’un événement indésirable grave à l’Agence régionale de santé (ARS) Grand Est, et les suites immédiates n’ont pas été proportionnées à la gravité de la situation. Autre anomalie constatée : les parents de la victime qui ont demandé à avoir accès aux appels enregistrés n’ont pas bénéficié d’un accompagnement “indispensable compte tenu de l’immense choc que pouvait constituer cette écoute”.

 

Recommandations et suites

Suite à son enquête, le rapport de l’IGAS recommande de clarifier la répartition des rôles en matière de déclaration des évènements indésirables, de déclarer au niveau de l’établissement tous les évènements indésirables graves, y compris ceux faisant déjà l’objet d’une plainte ou d’une procédure judiciaire, et de mettre en place une revue mensuelle des évènements indésirables en vue d’améliorer les pratiques. Il est également prévu que soit mis en place au SAMU de Strasbourg une formation aux bonnes pratiques de régulation des ARM centrée sur l’explication des notions de Permanence des soins ambulatoires (PDSA), et de médecin régulateur prévues par la réglementation. Il est également préconisé de renforcer la centralisation du traitement des évènements indésirables au sein du pôle qualité, d’élaborer sans délai un plan d’action garantissant la qualité de la régulation et incluant notamment une analyse organisationnelle, et de systématiser les écoutes de régulation périodiques.

Par ailleurs, la mission à l’origine du rapport de l’IGAS prévoit à l’avenir la mise en oeuvre de travaux complémentaires. Objectif : s’appuyer sur les pratiques de plusieurs SAMU dans une logique d’aide à l’amélioration des prises en charge en lien avec les acteurs concernés. Ces travaux feront l’objet d’un deuxième rapport dans lequel plusieurs questions (professionnalisation des métiers de la régulation, meilleure planification des ressources, évolutions techniques susceptibles de rendre possibles l’adaptation de nouvelles pratiques au sein des centres de régulation médicale…) pourront notamment être évoquées. 

Retrouvez le rapport de l’IGAS ici.

 

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