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« Il faut considérer les ARM comme les premiers maillons de la chaine de l’aide médicale urgente »

Suite à la mort de Naomi Musenga, jeune femme de 22 ans, survenue à Strasbourg quelques heures après qu’elle ait appelé le SAMU, Patrice Beauvilain, secrétaire général de l’Union nationale des assistants de régulation médicale (UNARM), revient sur les réalités du métier d’ARM et le manque de considération de cette profession par les pouvoirs publics.

 

Patrice Beauvilain,
secrétaire général de l’UNARM

Existe-t-il un profil type d’assistant de régulation médicale ?

Il y a un profil type définit par le répertoire des métiers de la santé, ainsi que par le référentiel rédigé en 2016 par la SFMU (Société française de médecine d’urgence, ndlr) l’ANCESU (Association nationale des centres d’enseignement des soins d’urgence, ndlr) Samu-Urgences de France et l’UNARM. Mais la réalité, c’est qu’il existe 103 centres de régulation en France qui ne fonctionnent pas  de façon homogène. Une régulation peut prendre des formes différentes : plateforme commune avec les pompiers, régulation à l’échelle régionale, ou parfois il peut y avoir deux salles de régulation dans un même département…

Quel est le champ de responsabilité des ARM dans une salle de régulation ?

Tout d’abord, de répondre aux appels. Mais la réponse doit être cohérente et prendre en compte trois critères : identifier la victime et son besoin, localiser l’intervention, puis prioriser l’appel en fonction du degré d’urgence. Enfin, il faut faire réguler l’appel par un médecin, généraliste ou urgentiste, en fonction du besoin. Cependant, l’ARM a aussi des prérogatives d’enclenchement des secours en première intention, conformément au guide de régulation de Samu-Urgences de France. Il existe en effet un certain nombre de critères qui permettent à l’ARM d’envoyer des secours sans passer d’abord par une régulation médicale. Ces critères sont parfaitement définis et déterminent les circonstances dans lesquelles l’ARM engagera immédiatement des secours médicaux. L’arbre décisionnel est très strict, par exemple en cas de suspicion d’arrêt cardiaque. Là, la priorité est d’engager des secours, au minimum un SMUR, puis faire pratiquer un massage cardiaque par un témoin de l’accident.

Quel type de formation suivent les ARM ?

Depuis 2012, il existe une formation d’adaptation à l’emploi pour les ARM qui dure environ 250 heures. C’est une obligation statutaire. Mais seuls sont concernés les ARM qui ont réussi le concours de la fonction publique hospitalière. Or, aujourd’hui, de nombreux établissements de santé recrutent des personnels sans le concours, en CDD, en contrat de droit privé. Pour eux, il n’y a pas d’obligation de formation.

Est-ce que cela change les conditions d’emploi des ARM ?

Cela ne change pas l’activité de l’ARM au sein des SAMU ; leur rôle et leur mission restent les mêmes que l’on soit recruté sur concours ou non. Cependant, les ARM qui ne sont pas recrutés sur concours ne sont pas fonctionnaires. Il existe une différence de salaire notable entre les deux statuts, sans parler des avancements de carrière qui ne sont pas les mêmes, ainsi que les primes. Du coup, le turn-over est important car les ARM embauchés en contrat de droit privé partent plus facilement vers d’autres emplois, ce qui oblige à recruter de nouvelles personnes avec moins d’expérience. Cela fragilise donc la profession.

Que proposez-vous au sein de l’UNARM ?

Nous défendons depuis des années la création d’une formation initiale sanctionnée par un diplôme, et que tous les établissements de santé soient contraints de ne recruter que des personnes diplômées. C’est le cas pour les aides-soignants, les infirmiers… pourquoi pas pour les ARM ? Le contenu pédagogique de cette formation doit être, a minima, celle que l’on trouve dans la formation d’adaptation à l’emploi pour les personnels recrutés sur concours. Il s’agit d’une connaissance généraliste de l’environnement métier et des pathologies d’urgence. Le plus important, c’est d’être capable de déterminer le besoin et l’urgence, puis d’agir en conséquence.

Pourquoi n’en est-il pas ainsi ?

Le ministère de la Santé n’a jamais reconnu l’utilité de mettre en place une formation et de créer un diplôme pour les ARM. Mais après ce qu’il s’est passé à Strasbourg, cela va peut être changer, ou du moins évoluer. Cet événement a mis en évidence qu’il devenait nécessaire de se préoccuper de la formation des ARM.

L’UNARM va-t-elle être associée à cette réflexion ?

Lundi dernier (le 14 mai, ndlr), une réunion a été organisée à ce sujet au ministère. La ministre a reçu les représentants des organisations syndicales du SAMU et les sociétés savantes des métiers urgentistes. Mais nous, nous n’avons pas été conviés. Nous avons appris la tenue de cette réunion par un communiqué de presse. Nous avons donc immédiatement écrit à Mme la ministre pour lui faire part de notre étonnement.

Diriez-vous que les ARM représentent une profession en mal de reconnaissance ?

Il est clair que les ARM sont un maillon essentiel de la chaîne de l’aide médicale urgente et notre utilité n’est pas remise en question. Mais nous ne sommes pas considérés et d’une manière générale il n’y a aucune volonté de reconnaître notre profession comme un métier de la santé à part entière. D’ailleurs, nous sommes intégrés dans la filière administrative de la fonction publique hospitalière. Il faut pourtant que les ARM soient considérés comme les premiers maillons de la chaine de l’aide médicale urgente.

Selon vous, les ARM exercent-ils un métier « sous pression » ?

Bien entendu, le métier d’ARM est un métier sous pression. On ne fait pas de la réponse médicale urgente sans être sous pression. Et cela est dû notamment au manque d’effectifs. En 2007, 300 postes d’ARM ont été créés. Depuis, les appels dans les Samu-Centre 15 n’ont cessé d’augmenter, pourtant, nos effectifs sont plutôt à la baisse. On nous demande une exigence dans la réponse téléphonique aux appels d’urgence, mais sans mettre en face les moyens adaptés. Et cela est vrai non seulement pour les ARM, mais aussi pour les médecins ! Vous pouvez mettre 10 ARM dans une salle, s’il n’y a qu’un médecin, il ne pourra pas gérer les 10 demandes de secours.

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